L'économie hors hydrocarbures rapporte, bon an mal, an 1 milliard de dollars à l'Algérie. L'économie algérienne n'est pas encore sortie de l'auberge, et le bout du tunnel ne risque pas d'apparaître de sitôt. C'est du moins la conclusion qu'on tire de la lecture du rapport sur l'état économique et social de l'Algérie, durant les trois années précédentes, et la note de conjoncture du premier semestre 2008, deux documents établis par le Conseil national économique et social (Cnes) et rendus public hier, à Alger. Loin d'être pessimiste ou alarmiste, ce constat est réaliste. Il atteste en effet de la mauvaise santé de l'économie algérienne. Laquelle continue à être tributaire, à environ 98%, des recettes engrangées par les exportations des hydrocarbures. Les experts en économie s'accordent sur un point: la santé économique d'un pays est jaugée par la situation de son agriculture et de son industrie. En Algérie, la situation de ces deux secteurs va de mal en pis. Les chiffres établis par le Cnes le disent clairement. Pour l'agriculture, les prévisions de croissance, pour l'année 2008, sont estimées à 1,0%. Comparativement à l'année précédente, durant laquelle le taux de croissance a été de l'ordre de 5%, ce secteur perd quatre points! Notons que, durant les années 2005, 2006, le secteur de l'agriculture a enregistré une croissance en hausse de, respectivement, 1,9% et 4,9%. Les rédacteurs du rapport estiment que la chute constatée cette année est occasionnée par la baisse de la production céréalière, de plus de 60% et de la crise du lait. Ces deux éléments essentiels dans la vie quotidienne des Algériens sont importés des marchés internationaux, et leur montant est encore à la hausse. Il faut noter que les importations algériennes des produits céréaliers et dérivés, médicaments, lait et produits laitiers, ont totalisé 3,42 milliards de dollars au premier semestre 2008, contre 2,09 milliards de dollars en 2007, soit plus de 60% d'augmentation. L'Algérie, rappelle-t-on, a lancé, en 2000, un Programme national de développement agricole et rural dont les objectifs étaient d'assurer la sécurité alimentaire du pays. Une enveloppe budgétaire de 360 milliards de dinars a d'ailleurs été allouée à l'agriculture et au développement rural dans le cadre du Programme complémentaire de soutien à la relance économique 2005-2009. S'agissant maintenant du secteur de l'industrie, là aussi la situation est des plus critiques, en dépit de la légère croissance prévue, qui est de l'ordre de 2%, contre 0,8% en 2007. Cependant, si l'on compare ce taux avec celui enregistré en 2005, qui était de l'ordre de 2,5%, on déduit que le taux de croissance dans le secteur de l'industrie a enregistré une baisse de 0,5%. Une situation que d'aucuns qualifient de préoccupante, et ce, en dépit d'un taux de croissance, dont les prévisions fixées pour l'année en cours sont de l'ordre de 5,8% (le FMI les prévoit à 4,9%). Les PME, ce maillon faible Le président du Forum des chefs d'entreprise (FCE), Redha Hamiani, estime que ces taux sont portés par les secteurs du Btph (9,4%) et des services (7,6%). «Mais à quel prix ces taux ont-ils été atteints?» s'est-il interrogé, avant de répondre: «Cette croissance est portée par les dépenses publiques.» Ce qui laisse le président du FCE souligner que «cette croissance ne nous convient pas!» M.Hamiani a indiqué que l'Algérie ne fait rien pour encourager les PME. «Une entreprise, si elle est petite elle le demeurera durant toute son existence. Le cas est le même pour une entreprise moyenne...», a déploré le président du FCE. Ce dernier ajoute: «L'Algérie est passée à côté d'une opportunité historique pour faire évoluer ses PME. Il fallait entourer les entreprises étrangères travaillant en Algérie de PME algériennes pour qu'elles acquièrent une expérience dans leurs domaines respectifs. L'Algérie ne l'a pas fait.» Pour Redha Hamiani, «l'économie algérienne a besoin de champions». L'intervenant n'a pas manqué l'occasion de lancer des critiques, on ne peut plus fondées. Il s'est ainsi douté de l'exactitude de la baisse très sensible du taux de chômage qui est passé de 28,5% en 1999 à 11,8% en 2007, soit une baisse de 17,3% en l'espace de huit ans, soit un taux moyen de 2,16% par an. Le gouvernement algérien défend ses chiffres en se référant aux différents dispositifs d'emploi mis en place ces huit dernières années, ainsi que les mégaprojets lancés, dont le métro d'Alger, l'autoroute Est-Ouest, le PNDA... Seulement, dans sa note de conjoncture du premier semestre 2008, le Cnes a enregistré le «déclin des contrats à durée indéterminée (CDI)». Ce qui pousse à penser que les milliers de postes d'emploi créés ces dernières années sont précaires, et que d'ici quelques années (notamment après la livraison des différents projets lancés tambour battant), des milliers de postes d'emploi risquent de disparaître. PIB par habitant: 3936 dollars Par ailleurs, dans son rapport sur l'état économique et social de la nation de 2005 à 2007, le Conseil national économique et social a estimé que le Produit intérieur brut (PIB) par habitant est passé de 3110 dollars en 2005 à 3936 dollars en 2007, soit un accroissement de plus de 26%. La consommation des ménages, elle, s'est accrue depuis 2005 à un rythme moyen annuel de 4% en volume, supérieur à celui du PIB. Ainsi, dans le seul marché de l'automobile, le parc, qui ne cesse de s'étendre, est passé de 3211.052 en 2005 à 3420.294 véhicules en 2006. En 2007, 72.775 véhicules neufs ont été immatriculés. Près de 136.000 véhicules neufs ont été commercialisés au cours du premier semestre 2008, soit une progression de 37,3% par rapport à la même période de l'année 2007. S'agissant du montant des crédits destinés à financer les achats de véhicules, il a dépassé la barre des 65 milliards de dinars en 2006. C'est là, en somme, la conjoncture économique et sociale de l'Algérie de ces trois dernières années. Faudra-t-il prendre en compte la moitié pleine ou la moitié vide?