«Créer des financements supplémentaires, je ne suis pas sûr que ce soit la solution», dira ce représentant du Centre national de la cinématographie française... L'Expression: Vous êtes ici dans le cadre des journées cinématographiques franco-algériennes, pourriez-vous nous parler justement de cet accord de coproduction qui vient d'être scellé entre l'Algérie et la France? Roland Husson: Comme vous le savez, il y a un an exactement, les deux ministres de la Culture français et algérien ont signé un accord de coproduction et de coopération et compte tenu de la relation privilégiée qu'on a avec l'Algérie, on ne s'est pas contentés de signer un document, entré en vigueur maintenant, puisque le Président Bouteflika l'a ratifié il y a quelques semaines; on s'est dit, il faut faire vivre cet accord et pour ce faire, il faut que les professionnels des deux pays se rencontrent. C'est pourquoi, par exemple, cet après-midi, on a fait se rencontrer des producteurs des deux pays qui sont intéressés à faire des projets ensemble, pour discuter des modalités de la coproduction. On va aussi faire rencontrer des professionnels dans tous les domaines complémentaires, en amont de la production, notamment sur la formation et après, en aval sur les questions de distribution des films, rénovation des salles de cinéma. Il y eut aussi, aujourd'hui, un atelier sur la conservation du patrimoine. Le directeur du patrimoine du Centre national du cinéma français est allé avec ses homologues voir l'état de conservation des archives et ce qu'on pouvait faire pour améliorer la situation. Tous ces thèmes sont prévus dans l'accord. Ce qu'on fait à travers ces rencontres franco-algériennes, c'est lancer la coopération et mettre en oeuvre les accords. Lors de l'atelier portant sur la production, un mot a été souligné, celui «d'inégalité», compte tenu du déficit ou manque de développement ou d'avancement du 7e art en Algérie, par rapport à votre pays, comment cet accord va-t-il se traduire sur le terrain et faire fi de toutes ces carences? Je pense qu'il faut enlever tout fétichisme autour de cet accord. Un accord c'est un cadre qui organise la relation. Il ne change rien à la réalité. La réalité est ce qu'elle est. On ne la change pas par décret ou par la signature d'un accord. Le fait que l'économie de la production du cinéma en France soit beaucoup plus développée qu'en Algérie, c'est un fait, ce n'est pas l'accord, même la mise en oeuvre d'un accord qui va le changer. En fait, il faut travailler avec la réalité telle qu'elle est. Le but de l'accord, je pense celui de tout le monde, c'est le renforcement et le développement du cinéma algérien. De quelle façon? D'abord avec la mobilisation des pouvoirs publics et des professionnels en Algérie pour faire des films, que les choses avancent. L'accord ou la coproduction avec la France, c'est justement un outil pour avoir des relations professionnelles, bénéficier des expertises des professionnels français. Mon ami Belkacem Hadjadj, le président de l'association Arpa, disait que la charrette du cinéma algérien, cet accord la tire, je ne suis pas d'accord avec cela. Un accord ne peut pas tirer quoi que ce soit. Un accord au mieux, peut, lui assurer que la route est plate et qu'il n'y a pas de cailloux, je pense que la charrette du cinéma algérien c'est d'abord aux professionnels de la pousser, mais l'accord ne peut rien faire. Apparemment, les professionnels du cinéma algérien attendent un peu plus de cet accord, comme la mise en place d'autres mécanismes d'aide, en parallèle. Alors, que pensez-vous de cela? Moi, je comprends très bien ces attentes. J'ai été en Allemagne, il y a deux semaines, et les professionnels allemands procèdent de la même manière, c'est tout à fait normal. Mais là, on a un accord, l'encre est à peine sèche, M. Bouteflika vient de le ratifier, il faut d'abord le mettre en oeuvre. Et mettre en place des aides supplémentaires, de mon point de vue, on a déjà tout un système d'aide, du côté français, dont vont pouvoir bénéficier les films coproduits, et assurés qui me semble déjà assez large. On a aussi bien les financements par les chaînes de télévision, le soutien automatique que peuvent utiliser les producteurs; pour les films algériens, on a le fonds Sud, par exemple. On a toutes sortes de systèmes. Du côté algérien, comme vous le savez, il y a le fonds d'aide. Créer des financements supplémentaires, je ne suis pas sûr que cela soit la solution. Autrement, je vous dis les choses très franchement, actuellement c'est quasiment impossible pour nous de créer de nouveaux systèmes d'aide pour financer des coproductions. On a des systèmes qui ont été évoqués, comme Eure-image pour la coproduction européenne. C'est très difficile pour nous de créer d'autres systèmes, même si il y a une relation très privilégiée avec l'Algérie; on ne peut pas créer un système d'aide à la coproduction avec chacun de nos partenaires. On a parlé des professionnels algériens mais vous, en tant que Français, quelles sont vos attentes de par cet accord? On a une relation cinématographique très riche déjà avec l'Algérie, on se rend compte que cela nous permet d'avoir des films orignaux, qui offrent un regard différent. Le cinéma français se nourrit justement de ce regard différent. Plus d'un quart des films français sont coproduits, ça offre à chaque fois des échanges, des regards croisés. Pour nous, c'est un enrichissement. On a plein de films qui sont coproduits entre la France et l'Algérie. La productrice française de Mascarades par exemple, était là justement cet après-midi, il y a le film Indigènes qui a eu un très grand succès en France, à l'époque où il est sorti... Mascarades a ses dialogues en langue arabe... Exactement, c'est bien la preuve que la langue n'est pas du tout un obstacle à la coproduction. Ce que nous attendons, est que ce genre de projet, puisse être facilité, et étant facilité, qu'il y en ait le maximum. Donc on souhaite le plein épanouissement du potentiel que l'on connaît déjà. Donc, nous, ce qu'on attend de cet accord, c'est ça, après au-delà, les échanges vont se créer, mais s'il y a la volonté du côté algérien de profiter de tout ces avantages, contribuer modestement au renforcement et au développement du cinéma algérien, nous, on ne peut que contribuer, ce sera aux professionnels algériens de faire avancer ou pousser la charrette.