Cette wilaya est divisée entre une région en liesse et une autre livrée à la violence. Cette élection aura eu, au moins, le mérite de montrer que Bouira est désormais scindée en deux régions distinctes. Celle de l'Est qui englobe les daïras de Haïzer, Bechloul, M'Chedallah et une grande partie du chef-lieu, qui, en chiffres, représente 108.997 électeurs, ayant manifesté un refus catégorique du scrutin de ce 30 mai. Sur le reste du territoire de la wilaya, 8 circonscriptions électorales concernent 274.483 électeurs. Si dans la première partie, les prémices d'une journée difficile étaient perçues depuis maintenant une semaine, ponctuée de grèves générales, de blocages sur la RN5..., à l'autre bout, tout était préparé pour une journée digne des «années de plomb» avec notamment la réquisition d'énormes moyens pour une totale réussite. La protestation connaîtra son paroxysme à M'Chedallah où 4 véhicules retenus pour l'acheminement des moyens matériels feront les frais de la colère de toute une population qui avait, depuis le 29 au soir, barricadé les accès menant aux communes de Saharidj, Chorfa et Aghbalou qui, selon les services de la wilaya, n'ont pas ouvert leurs bureaux. Plus près du chef-lieu de wilaya, à El Esnam, un véhicule appartenant à la garde communale a été incendié dans la nuit précédant le jour «J» par des jeunes qui nous affirmeront que la Renault Express aurait foncé sur eux. Dans cette localité, que nous avons visitée aux alentours de 10 h, le centre de vote était cadenassé à notre arrivée. Un agent encadreur originaire de Sour El-Ghozlane, n'aura la vie sauve que grâce à la presse qui l'a évacué dans une voiture privée, suite à un malaise cardiaque. A Taghzout et Haïzer, que nous avons visitées à 11 h, aucun votant n'était signalé. En résumé et selon les services de la wilaya, sur les 36 centres de vote que comptent les régions berbérophones, 22 avaient fait l'objet de destruction des urnes par le feu. A Ouled Rached, 153 personnes avaient voté avant que les manifestants ne détruisent les urnes. Dans la commune de Bouira, les centres de Draâ El-Khemis et celui de Ras Bouira, connaîtront le même sort. Ces heurts ont fait 21 blessés parmi les services d'ordre et les encadreurs, en plus de l'arrestation dans la circonscription de Haïzer, de trois animateurs du mouvement citoyen: Ghanemi Mourad, Zouiche Saïd et Okbi Ahmed. Dans la partie ouest de la wilaya, la consultation élective pour le choix de 8 députés s'est déroulée dans un calme et une sérénité totale. S'agissant du taux de participation, il restera une énigme puisqu'il n'a pas excédé 50% dans des circonscriptions telle Sour El Ghozlane ou Lakhdaria! La participation globale pour la wilaya est de l'ordre de 33,38%. Les résultats consacreront le FLN avec 3 sièges suivi de son frère ennemi le RND avec 2 sièges, le PT, le MSP et El-Islah avec un siège pour chaque formation. Une première lecture de ces verdicts permet de dire que l'absence des partis FFS et RCD et le fort taux d'abstention chez les jeunes ont laissé le champ libre à un électorat âgé, fidèle au FLN. La percée du parti de Louisa Hanoune est attribuée pour l'ensemble des gens rencontrés non à une quelconque conviction du programme, mais à la carte kabyle que la responsable du PT a su exploiter au maximum. La formation de Djaballah, elle, a fait le plein du côté de Lakhdaria, région acquise au parti dissous avant l'avènement du défunt Mekhfi qui y a implanté le RND. Le parti d'Ahmed Ouyahia, qui a acquis ses deux sièges grâce aux populations de Sour El-Ghozlane, mobilisées dans un vote par affinité «au fils du bled», a frôlé la débâcle. Certains parlent déjà d'un siège attribué à cette formation qui a fait en moyenne entre 20 et 40 voix par bureau au chef-lieu. Chez les corps constitués, le FLN n'a laissé aucune chance à ses rivaux en s'attribuant 2402 bulletins, suivi d'El-Islah avec 317... En conclusion, et au risque de nous répéter, nous pouvons dire que cette élection vient démontrer à qui ne veut pas le savoir, que la wilaya de Bouira, n'en déplaise à certains, est à dominance berbérophone et que rien ne peut se faire sans l'adhésion de toute la population. Cette donne est une obligation pour ceux qui, depuis aujourd'hui, sont les députés dans une APN plus proche du président par son programme.