Un défi en bonne est due forme est lancé au FLN pour qu'il prenne en charge tout seul la gestion des affaires du pays. Militant politique frondeur, connu pour ses positions décalées par rapport à celles de son parti, Abderrezak Mokri, boudé par les électeurs de sa wilaya, n'a guère pris de gants pour s'attaquer au système dans son acception la plus large. Invité, samedi tard dans la soirée, de la Chaîne III, l'ancien député MSP a, d'entrée de jeu, tenu à préciser que la direction politique de son parti était toujours en session ouverte et que, de ce fait, il ne s'exprimait qu'en son nom personnel. Interrogé sur les raisons qui se trouvent derrière la perte par son parti d'une trentaine de sièges, l'ancien député MSP dira que son mouvement «a été le premier sanctionné par ce fort taux d'abstention», ajoutant que «beaucoup de citoyens, qui n'ont pas voté, ont pris langue avec nous pour exprimer leurs regrets face à ces résultats». Ce n'est pas tout. Mokri, membre influent de la direction politique du parti de Mahfoud Nahnah, précise que son parti «continue à recenser les cas de fraude». Pour lui, «la fraude a été perfectionnée». Aux yeux de cet homme politique, en effet, «il faudrait conclure que les membres des corps constitués, qui ont tous donné leur voix au FLN, ne sont pas des Algériens puisque leur vote a été différent de celui du restant du pays». Et de rappeler qu'«en 97, le même phénomène avait été observé, sauf qu'à cette époque il avait profité au RND». Et d'indiquer que le vote des corps constitués, pour incroyable que cela puisse paraître, représente la bagatelle de pas moins d'une soixantaine de sièges à l'APN. Le MSP compte déposer au moins une centaine de «recours fondés» même s'il «ne se fait pas trop d'illusions quant à la suite légale et pratique qui leur sera donnée». Le MSP, aux yeux de Mokri, «est loin de se déclarer disqualifié». Moins enthousiaste, désormais, par la politique du Président, le MSP pourrait revoir sa copie par rapport à son positionnement sur l'échiquier politique. Mokri, fort peu tendre en direction du parti victorieux, rappellera que «son parti avait accepté de prendre part à tous les gouvernements successifs quand le pays avait besoin de toutes les forces vives et patriotiques de la nation, cela au moment où le FLN signait la plate-forme de Rome avec des commanditaires des terroristes qui avait failli faire basculer le pays dans le néant». Historiquement parlant, le propos est authentique. Toutefois, Mokri omet, sans doute volontairement, de souligner d'autres faits historiques de taille. Le premier, c'est que même si Nahnah n'a pas signé cette plate-forme, il se trouvait, lui aussi, à Rome en compagnie des sept parties signataires. Cela d'une part. D'autre part, il occulte volontairement ce fait indéniable que les thèses des réconciliateurs ont fini par triompher en grande partie depuis l'arrivée de Bouteflika au pouvoir, la promulgation de nombreuses mesures de détente et l'arrêt définitif de la politique du tout-sécuritaire, à l'origine de trop nombreux dépassements commis de part et d'autre de la ligne de front et d'une haine viscérale dont il sera difficile de venir à bout. Dans le même ordre d'idées, et digérant fort mal le score réalisé par le FLN, Abderrezak Mokri martèle: «Le peuple doit enfin savoir qui est le pouvoir et qui est l'opposition.» Cela avant de lancer un défi en bonne et due forme au parti d'Ali Benflis: «Que le FLN ait le courage, puisqu'il en a déjà les moyens légaux, de former un gouvernement exclusivement composé par les membres de son parti et de ceux du RND. Qu'il nous prouve qu'il est à la hauteur des missions qui lui sont dévolues et du règlement de la crise algérienne.» En clair, et même si la position n'engage pas (encore) tout le parti, le MSP explore déjà l'idée de prendre le chemin de l'opposition en espérant que ce nouveau choix lui garantirait de meilleurs scores lors des futurs rendez-vous électoraux. Pour rappel, Nahnah, dans une conférence de presse animée deux jours avant le scrutin, avait supputé ce genre de résultats, menaçant les décideurs de passer vers une sorte de désobéissance civile en violant la Constitution et la loi organique relative aux partis politiques en instrumentalisant de nouveau la religion et en se servant de nouveau des mosquées pour diffuser ses idées islamisantes. Le MSP, qui nous a habitués à de trop nombreux revirements de dernière minute, n'a plus grand-chose à perdre cette fois-ci. Ses menaces, donc, ne sont pas à prendre tout à fait à la légère...