Les citoyens se trouvent aujourd'hui, en l'absence d'une réelle alternative, partagés entre l'optimisme et le scepticisme. Quelques jours après le scrutin des législatives, les populations des différentes localités de la wilaya de Béjaïa tentent de reprendre, tant bien que mal, le train de vie quotidien. Le nettoyage des rues et la réouverture des axes routiers sont autant d'activités qui caractérisent les cités fortement défigurées par de longues journées de violence. Il faudra, sans doute, beaucoup de temps pour effacer tous les stigmates des affrontements qui ont rythmé la vie en Kabylie. Ayant répondu massivement et favorablement au rejet des élections législatives prôné par le front antivote composé essentiellement du mouvement citoyen initiateur du principe du rejet des élections, vite rejoint par le RCD, le MDS et plus tard le FFS, les citoyennes et citoyens s'interrogent sur l'avenir immédiat de leur région sur tous les plans, sécurité, politique et développement. Si la désaffection à l'égard du scrutin était totale, les citoyens se trouvent aujourd'hui, en l'absence d'une réelle alternative, partagés entre l'optimisme et le scepticisme. De nombreuses interrogations sont, de ce fait, sans cesse soulevées dans les discussions entre citoyens. On s'interroge notamment sur la démarche que compte adopter le mouvement citoyen par rapport à la nouvelle situation. Poursuivra-t-il toujours la lutte au moyen de grèves et marches? notent les plus inquiets des citoyens eu égard aux nombreux désagréments qu'occasionnent ces actions qui se répètent. Des interrogations amplement justifiées d'autant plus que l'objectif, pour lequel la région a chèrement payé, n'est pas encore atteint. Convaincu que le rejet des élections n'est qu'une étape dans le processus de lutte pour la satisfaction des revendications contenues dans la plate-forme d'El-Kseur, le citoyen s'attend à l'intensification de la protestation. Convaincus de la légitimité des revendications et partant, des conséquences tragiques et douloureuses de plus d'une année de lutte, l'espoir de voir le mouvement citoyen adopter une nouvelle démarche de lutte reste des plus vivaces au sein d'une opinion qui aspire aussi à une sérénité durable. Aussi est-il fait souvent référence à la classe intellectuelle mise à l'écart depuis le début des évènements. La recherche d'une alternative porteuse d'espoir n'a jamais été aussi présente dans les esprits des citoyens. En effet, l'espoir de voir les politiciens récupérer leur terrain de prédilection se dégage nettement des commentaires des citoyens. Une large consultation entre les intellectuels et les politiques de la région semble a priori le souhait de la majorité de la population. La reprise en main des affaires politiques par ceux-là mêmes qui sont censés le faire, est une nécessité pour le citoyen. «C'est le seul rempart face à d'éventuels dérapages vers lesquels des forces tentent d'entraîner notre région», nous disent beaucoup de citoyens. Ce sont là de véritables appels de détresse d'une population aux partis politiques aux associations et personnalités de la région pour prendre leurs responsabilités. Cela dénote, si besoin est, le souci du citoyen pour la poursuite du combat pacifique avec le moins de risques possible. Les résultats du dernier scrutin occupent également une large place dans les commentaires des citoyens. A ce sujet, de nombreuses questions sont posées pour tenter de comprendre les tenants et les aboutissants de cette crise qui ne veut pas connaître une issue. Bref, les citoyens dans leur majorité sont en attente d'une véritable initiative à même de leur rendre espoir. La validation du scrutin des législatives revient assez souvent dans les propos des gens. Validation ou pas, dans les deux cas de figure on est convaincu de la persistance de la crise tant que les protagonistes persistent dans leur entêtement. Ainsi, il est souvent fait référence à la démission des citoyens, l'absence de prévention des pouvoirs publics. L'inquiétude est d'autant plus grande à la veille d'un autre scrutin. Si pour les députés élus récemment, dont le mandat est souvent qualifié «d'usurpé», l'exercice de leurs activités ne sera pas difficile puisqu'ils s'installeront à Alger, il n'en est pas de même pour les élections locales. Si d'ici à là, il n'y a pas de dénouement de la crise, le pouvoir aura toutes les difficultés du monde pour trouver des personnes qui s'engageront dans la course électorale. L'appel lancé par le secrétaire général du FLN, M.Ali Benflis lors de la conférence de presse tenue après l'annonce des résultats des législatives qui l'ont propulsé aux commandes du pays, pour un règlement de la crise en Kabylie, suscite un intérêt au sein de l'opinion. Au-delà de la main tendue du Chef du gouvernement qui dénote une prise de conscience en haut lieu de la nécessité de faire vite et bien, il y a lieu de signaler que seul le dialogue peut conduire vers la sortie du tunnel. Trop de temps a été perdu. Le mutisme des uns et le «jusqu'au-boutisme» des autres ne servent ni la région ni le pays. Le temps nous l'a assez bien montré.