Le déroulement des élections législatives a eu lieu dans un climat de tension. La situation, nettement tendue depuis quelques jours s'est corsée davantage le jour du scrutin. La grève de trois jours et l'interdiction de circulation décrétée par le front antivote présageaient d'une situation exceptionnelle. Sur les 52 communes de la wilaya, seules Kherrata et Draâ El Gaïd ont vu une participation citoyenne, évaluée respectivement à 14,97 et 14,07%. Les voix des corps constitués n'ont été décomptées que dans une quinzaine de communes, selon les chiffres fournis pas la wilaya. Même si le taux de participation de «zéro vote» escompté par le front antivote n'a pas été atteint, il n'en demeure pas moins que celui enregistré hier est aussi insignifiant, le taux officiel de 2,62% équivalant à 11.088 votants y compris les éléments des corps constitués. La validation du scrutin à Béjaïa risque fort de prolonger la tension. Les onze candidats élus l'auront été par la participation citoyenne évaluée à 3511 voix à Kherrata et Draâ El-Gaïd. Le FLN arrive en tête avec 7 sièges et 52% des voix exprimées. Il est suivi de loin par le RND, le PT, El-Islah et la liste n°3 des indépendants avec un siège chacun. Sur les 206 centres de vote, seuls 60 ont fait l'objet d'ouverture, Béjaïa-ville, Kherrata et Draâ El-Gaïd sont les seules localités dont les bureaux de vote ont été normalement ouverts jeudi. Si pour les deux localités (Kherrata et Draâ El Gaïd), l'opération de vote s'est achevée normalement il n'en est pas de même pour la ville de Béjaïa où le déroulement a été interrompu une heure après par des émeutiers. En effet, à huit heures, l'ensemble des bureaux de vote de la ville ont ouvert leurs portes aux électeurs dont certains ont «bravé l'interdit» pour reprendre l'expression d'un encadreur, en se présentant pour accomplir leur devoir. Jamais nous n'avons constaté plus de trois votants dans un bureau. Dehors, les rues étaient vides, quelques groupes de citoyens discutaient, mais rien n'indiquait qu'ils étaient là pour voter. A peine avons-nous entamé notre visite des bureaux, la nouvelle des fermetures nous parvenait. Des informations font état de fermeture successive et musclée dans certains bureaux. Les encadreurs qui ont refusé d'obtempérer, ont été contraints à quitter les lieux. Les alentours de certains centres de vote offrent, quelques heures après, l'image d'un champ de bataille des matrices d'électeurs, des bulletins de vote jonchaient le sol. Des émeutes ont éclaté partout où les services de sécurité sont intervenus. La ville s'est rapidement vidée. A hauteur du siège de la wilaya, les affrontements faisaient rage tout au long de la journée. Aokas, El-Kseur, Sidi Aïch et dans plusieurs localités, le même scénario est signalé. De nombreux blessés sont, de ce fait, dénombrés, on parle même de l'usage de balles réelles, ces informations restent, toutefois, à prendre au conditionnel devant l'impossibilité de les confirmer. Pour le mouvement citoyen de Béjaïa, le «taux enregistré par la wilaya» dénote suffisamment le rejet des élections. Les animateurs n'ont pas caché, hier, leur satisfaction en remerciant la population qui a souscrit au mot d'ordre du rejet lancé depuis des mois. Notons enfin que les représentants des listes indépendantes dans la commission politique de surveillance des élections ont demandé «l'annulation du scrutin sur tout le territoire de la wilaya» qui s'est déroulé, selon eux, «sous embargo». Pour justifier leur demande, ils citeront l'absence de campagne électorale, d'affichage, etc. Nous apprenons, à l'heure où nous mettons sous presse, que le mouvement citoyen décidera, lors du prochain conclave de la CICB, des suites à donner à la validation du scrutin et prendre des mesures en rapport avec la nouvelle situation. La plupart des marches synchronisées qui ont eu lieu hier matin dans les chefs-lieux de communes, se sont déroulées dans le calme. Même les axes routiers sont rouverts, signale-t-on un peu partout.