Le temps, désormais, joue contre lui. Les événements semblent être allés en se précipitant, si bien que le secrétaire général du RND sera probablement parti avant que ne soit connue la composition du futur gouvernement. En clair, Ouyahia a très peu de chances, pour ne pas dire aucune, d'être reconduit au niveau de la prochaine équipe de Ali Benflis, grand vainqueur des législatives du 30 mai dernier. Les frondeurs, qui ont particulièrement le vent en poupe, ont effectué lundi un véritable tour de force en investissant le siège national du parti et en demandant officiellement le départ des responsables de sa débandade. Les personnes visées, outre Ahmed Ouyahia, sont les mem-bres les plus influents au niveau du bureau politique, celles-là mêmes qui, dit-on, se trouveraient derrière la purge qui a touché les rangs et les listes électorales du parti. Il s'agit de la vieille garde d'Ouyahia. De sources proches de la direction du RND, en effet, on apprend qu'Ouyahia aurait déjà commencé à être lâché par ses plus fidèles adjoints. Certains, profitant des postes qu'ils occupent encore dans diverses institutions du pays, auraient même initié des procédures d'approche afin de rentrer au bercail, le FLN. Ouyahia, qui a joué et perdu, présiderait vraisemblablement aujourd'hui la dernière réunion de son bureau national. Des personnes très proches de lui, ayant requis l'anonymat le plus absolu, nous ont affirmé: «Ahmed Ouyahia pourrait annoncer sa démission à l'issue de cette réunion.» Nos sources ajoutent que «cette sortie discrète lui permettra de ne pas avoir à s'expliquer devant les médias». Celui qui avait eu à affirmer publiquement, et à plusieurs reprises, que s'il avait à choisir entre l'Etat et le parti, il choisirait l'Etat sans la moindre hésitation, ne compromettra donc pas son avenir dans les circuits décisionnels plus ou moins formels en se livrant à une quelconque révélation, ou critique contre les décideurs et les organisateurs, directe et indirecte, des législatives du 30 mai. Des rumeurs, toutefois, circulent sur une éventuelle conférence de presse d'Ahmed Ouyahia pour demain. Si tel devait être le cas, tout porte à croire qu'Ouyahia se bornerait à des lieux communs, aussi éloignés que possibles de ce qui s'est véritablement passé. Nos sources, en effet, précisent, que «des négociations auraient eu lieu au sommet pour le partage des sièges entre le FLN et le RND. Ce dernier, au dernier moment, a été trahi. C'est ce qui explique la campagne anti-islamiste qu'a menée Ouyahia en désespoir de cause, car il se savait privé des voix nationalistes». Le même phénomène, dit-on, avait été observé en 97, sauf qu'à cette époque il avait pleinement profité au RND et uniquement à lui. Les frondeurs, loin de s'arrêter à ce genre de considérations, cherchent des victimes, des responsables, à l'échec de leur parti, sans même comprendre, comme nous l'affirment des membres du comité de sauvegarde du RND, que «la responsabilité est partagée par tous et que l'échec se profilait depuis 97, avec les positions antisociales du nouveau patron du parti, les votes de son groupe parlementaire et la gestion catastrophique des collectivités locales tombées entre ses mains». Le RND, qui n'ignore rien de ces «choses», ne compte même plus sur les centaines de recours qu'il a prévu de déposer au niveau du Conseil constitutionnel. «Le nouveau siège qui nous a été retiré lundi en dit long sur le sort qui sera réservé à tous ces recours», affirment des membres influents de la direction de ce parti. Le pouvoir, qui nous a habitués à «recycler» les responsables qui lui seyent le mieux, devrait mettre au vert Ouyahia le temps qu'il faudra pour le ressortir le moment venu. En clair, ceux qui tablent sur une mort politique et définitive de l'homme des sales besognes du pouvoir, devront sans doute déchanter. Ouyahia doit déjà être en train de préparer son come-back...