Ceux qui sont venus des autres régions tenter leur chance à Alger, se heurtent à l'épineux problème du logement. Hakim, la trentaine, est originaire de la wilaya de Tizi Ouzou. Il est, depuis plus de deux ans, salarié dans une entreprise à Alger. Son seul et grand souci, c'est de se loger convenablement. Avant d'arriver à l'option, fatale, de la colocation, avec des gens qu'il ne connaît pas, il est passé par tous les chemins pour se procurer un toit, fût-il petit. Peine perdue, puisque son salaire ne lui permet pas le luxe de s'offrir une chambre d'hôtel ou même un studio individuel. Un F1 à Alger est cédé, selon plusieurs locataires, à plus de 16.000DA le mois, et selon l'endroit, il peut atteindre les 30.000DA. Le salaire de Hakim ne dépassant pas les 20.000DA et devant le fait accompli, il était obligé de colouer avec sept autres personnes un F2 à raison de...40.000 dinars le mois. C'est-à-dire 5000DA chacun. Cet appartement difficilement trouvé selon lui, comprend un salon, une douche, des toilettes et une cuisine. Ils sont certainement des centaines ces travailleurs à Alger, venus des autres régions du pays pour se sauver et sauver d'un calvaire certain leur famille qui se heurte à ce problème. Ceux qui ne sont pas logés par leur employeur, souffrent le martyre avant de trouver un toit, généralement des F2 à colouer et payés au prix fort. Acquérir un logement, une vue de l'esprit... Ainsi, devant la cherté de la location, ces gens préfèrent se constituer en groupe pour faire face à ce problème. «Que voulez-vous que je fasse, je suis obligé de partager ma chambre avec des personnes que je ne connais pas», nous a signifié Smaïl, salarié, avant d'ajouter que sa mensualité ne lui permet pas de s'offrir autre chose en matière de logement qu'une colocation au Champ de manoeuvres avec quatre personnes à raison de 4000DA chacun. Ces travailleurs qui recourent à ce procédé ne font pas appel aux agences immobilières car, ont-ils expliqué, avec leur service, le prix serait plus cher. Ils font cependant appel à des intermédiaires qui les mettent en contact direct avec les propriétaires. Aussi, faut-il le souligner, les bailleurs sont généralement des particuliers qui louent leurs appartements au noir pour échapper au paiement de l'enregistrement chez le notaire et des impôts. «Le seul contrat qui nous lie avec eux est une sorte de contrat moral», a expliqué un autre colocataire à la rue Hassiba Ben Bouali. Par ailleurs, un bon nombre de personnes venues travailler à Alger et parce que le salaire qu'ils touchent le leur permet, réservent leur chambre dans les hôtels au prix fort, et qui varie d'un hôtel à un autre, allant de 6000 à 12.000 dinars le mois. D'autres, ceux qui viennent juste de terminer leurs études et qui trouvent un boulot dans la capitale, se rabattent sur les cités universitaires pour échapper aux frais de loyer qui sont, faut-il le signaler, exorbitants. Se marier, une utopie Pour les travailleurs dont le salaire suffit juste à couvrir leurs propres besoins et glisser quelques pièces dans la poche de leur père, avoir un logement décent à Alger relève d'une chimère. «Je ne sais pas comment pourrais-je me permettre ou même rêver d'un logement alors que mon salaire me permet juste de payer le loyer que je partage d'ailleurs avec trois amis et subvenir à mes simples besoins», a répliqué Samir, un photographe exerçant à la rue Didouche Mourad. Ce photographe ne perd cependant pas espoir. Son rêve est ailleurs...«Mon objectif c'est de m'armer d'une expérience irréprochable dans mon domaine et aller dans un pays où le rêve d'avoir un logement, un véhicule et une femme est permis», a-t-il martelé non sans regret. Aucune formule d'acquisition de logement ne semble répondre aux attentes de ces salariés. Ni le crédit bancaire, ni le LSP (logement social participatif), ni la formule de Fnpos (Fonds national de péréquation des oeuvres sociales), aucune formule n'a vraiment convaincu ces postulants... «En plus des procédures bureaucratiques, ces formules font de nous des endettés en hypothéquant 20 ans de travail pour effacer cette dette», a ajouté un autre salarié qui a déposé un dossier au niveau du Fnpos depuis... trois ans. Aborder le sujet du mariage avec ces jeunes gens qui éprouvent toutes les peines de monde à se loger, relève de l'aventure. «STP, évacue-moi ce sujet», nous a répondu à ce sujet Farid, un jeune de plus de trente ans. Reprenant son souffle, il ajoute: «J'ai songé à me marier mais aujourd'hui, le mariage pour moi relève de l'impossible.» Un point de vue partagé à la lettre par un autre jeune de 35 ans qui a voulu taire et son nom et sa profession. «Notre société n'ouvre plus d'horizon aux jeunes comme moi pour se tracer des objectifs. On travaille pour payer le loyer, se nourrir et aider un peu nos familles. Voilà ce à quoi on est réduit dans un pays qui regorge de ressources», a-t-il soutenu. En poussant plus loin notre conversation avec ce jeune un peu désespéré qui trouve anormal qu'«un patron qui rentabilise au mieux son activité, paie misérablement son employé», notre interlocuteur en est arrivé à la phrase sentence: «A mon âge, je ne peux même pas penser au mariage. Je vous dis sincèrement que si je trouvais une occasion pour une traversée, fût-elle clandestine, je n'hésiterais pas une seconde à offrir mon corps à la clémence des radeaux», a-t-il encore lâché.