La kachabia reste l'habit le mieux adapté à la rigueur de l'hiver caractérisant cette région de montagnes, de vastes plaines à découvert et de hauts-plateaux. Ce vêtement traditionnel ancestral - une sorte de poncho épais à manches larges, doté d'une capuche et parfois brodé sur les revers - a non seulement résisté à l'évolution des habitudes vestimentaires de la société algérienne mais a réussi également à faire jeu égal, sinon plus, avec la panoplie de vêtements d'hiver venus du bout du monde, proposés dans des marchés surchargés. Le constat est ainsi clairement positif et sans appel: en dépit de la profusion des marques de vêtements des temps froids, la bonne vieille kachabia fait toujours «tendance» chez les jeunes et les moins jeunes, les riches et les moins riches, les lettrés et ceux qui le sont moins. Loin d'être en effet l'apanage de telle ou telle catégorie de la population ou d'une quelconque région, elle séduit de plus en plus de personnes, y compris dans les milieux sédentaires où on la porte plutôt avec élégance et surtout, avec la fierté de l'identité retrouvée. Autrefois confinée dans les zones rurales et en milieu nomade où elle était préférée à d'autres habits chauds surtout pour des considérations pratiques et économiques, la kachabia a fait une percée progressive mais très remarquée en milieu urbain dit sédentaire. Après une brève disparition pendant les années de sécheresse relative, elle revient en force et plus personne, entre notables, cadres, fonctionnaires et chefs d'entreprise, ne rechigne aujourd'hui à la porter. Sans gêne et sans complexe, en tout cas sans risque de paraître affublé et un tantinet «vieillot». Mieux, beaucoup l'assimilent de plus en plus à une sorte de distinction sociale qui les différencie du reste de la population, surtout lorsqu'on peut se permettre d'acquérir ce qui se fait de mieux sur le marché local, par ailleurs abondamment approvisionné en la matière. Plusieurs types de kachabias confectionnées dans la région ou provenant des wilayas limitrophes, sont vendues dans les souks hebdomadaires et les boutiques d'habits traditionnels. La plus demandée par ceux qui ont les moyens de se l'offrir, reste la kachabia en poils de chameau, «Lawbar», cédée dans une fourchette de 40.000 - 60.000 DA l'unité. Hors de prix, elle est prisée par une clientèle sinon huppée, du moins très spécifique, comme certains hommes politiques, des hommes d'affaires ou des notables. D'une qualité irréprochable, elle est quelquefois gracieusement offerte à des personnalités diverses en signe de respect et de reconnaissance. D'autres produits, de qualité moyenne, confectionnés avec du tissu d'importation dit «cachemire» ou avec de la laine de mouton, sont proposés tout de même entre 20.000 et 35.000DA l'unité. «Je n'ai pas hésité à sortir la vieille kachabia de mon père, décédé en 1970. Elle est un peu trop courte pour moi mais je trouve que mon geste a une triple signification: cela me protège du froid glacial de cette année, me rappelle mon défunt père et me réconcilie avec nos traditions et notre manière d'être», confie Saïd, un quinquagénaire content de ce précieux héritage. Outre qu'elle a permis la préservation d'un patrimoine vestimentaire ancestral, la survivance de la kachabia contre...vents et marées a eu aussi le mérite de sauver un métier menacé à tout moment de disparition et avec lui, le gagne-pain de milliers de personnes dans une région qui ne brille pas spécialement par ses opportunités de travail.