Cette politique suscite d'ores et déjà d'acerbes critiques de la part des associations de défense des droits de l'homme. La chasse à l'immigré continue. La guerre contre les sans-papiers prend une autre tournure. Des papiers contre des noms. La France ne cesse d'étonner dans sa politique d'immigration. Elle mobilise toutes ses ressources humaines et matérielles pour «chasser» un immigré clandestin. Après la politique de reconduite aux frontières, les tests ADN et les primes attribuées contre un retour volontaire des sans-papiers dans leur pays d'origine, ainsi que celle de «la carte bleue», l'Hexagone innove: «une prime à la délation.» Alors que «la chasse» aux immigrés clandestins se poursuit, l'Elysée, version Nicolas Sarkozy, s'en prend «aux racines du mal», les réseaux de passage des clandestins. Le «principe» est simple: pour chaque délation, une carte de séjour offerte. Eric Besson, ministre français de l'Immigration et de l'Identité nationale, a signé jeudi une circulaire permettant aux préfectures d'attribuer des titres de séjour provisoires, d'une durée de six mois renouvelable, aux sans-papiers qui décideraient de dénoncer leur(s) passeur(s). «Nous allons donner aux préfets la possibilité d'accorder des titres de séjour provisoires aux clandestins victimes de filières clandestines qui décideraient de les dénoncer», a déclaré M.Besson. Justifiant sa démarche, le ministre explique qu'il s'agit d'une «coopération» entre les sans-papiers et les services de police pour aider à démanteler les filières d'immigration clandestine. Le ministre tente, toutefois, de justifier qu'il ne s'agit pas d'une politique de «délation contre papiers», mais de «démanteler les filières» de passeurs. Il affirme que son «objectif premier était de démanteler les filières». «Mettez-vous à la place de ces immigrés illégaux» et de souligner que les sans-papiers «sont aujourd'hui dans un statut qui ne leur permet pas de dénoncer leurs tristes conditions puisque, justement, ils n'ont aucune titre de séjour. Ils peuvent avoir peur d'aller voir la police ou la gendarmerie». Pour Eric Besson, cette politique vise à encourager les clandestins à témoigner sans être pénalisés. «Je veux déclarer la guerre aux filières clandestines, je veux déclarer la guerre aux passeurs, à celles et ceux qui exploitent la misère humaine», fait-il valoir. «Ce sont des filières mafieuses, ce sont des filières criminelles, il faut dire quelque chose que les Français ne savent pas toujours, ces passeurs gagnent beaucoup d'argent. C'est un business tristement mais hautement lucratif», a-t-il souligné encore. Aussitôt proposée, aussitôt critiquée. En France, des voix ne cessent de s'élever pour dénoncer cette politique. SOS-Racisme appelle le ministre à renoncer à sa politique. «Si la volonté de lutter contre les filières clandestines relève d'un souci louable, la méthode semble surprenante», a fait savoir l'association dans un communiqué rendu public. Et de noter encore: «La question des régularisations doit être approchée selon des règles claires et transparentes qui seraient issues d'une réflexion relative aux droits des étrangers et en aucun cas de considérations policières», poursuit-elle. «Si l'Etat français décidait d'instituer cette manière de procéder, est-il en situation de garantir la sécurité physique dans les pays d'origine des personnes appartenant à la famille de celles et ceux qui auraient décidé de dénoncer tel ou tel passeur? (...) Nous ne pouvons qu'être inquiets face à ce qui apparaît comme une officialisation des pratiques de délation.» L'association France Terre d'asile n'a pas caché, quant à elle, sa peur face à cette proposition. Cette association n'exclut pas le sentiment de vengeance des passeurs sur les familles des délateurs. Pour elle, «le risque de représailles sur les proches restés au pays est évident». La même association estime, d'ores et déjà, que cette proposition sera inefficace sur le fond. La France n'est pas le seul pays qui déclare la guerre aux sans-papiers. L'Europe adopte le même principe. Les eurodéputés ont donné mercredi leur accord de principe à des sanctions contre les employeurs de clandestins dans l'Union européenne. Cette démarche s'inscrit dans le cadre d'efforts contre l'immigration illégale. Les dispositions entérinées à une large majorité, avalisent un compromis négocié entre les 27 Etats membres de l'UE et harmonisent l'éventail des sanctions administratives, financières, voire pénales dans les cas les plus graves contre les patrons «négriers» et les filières de traite d'êtres humains. Notons que les députés ont, en même temps, décidé de reporter l'adoption formelle de la loi à leur prochaine session plénière.