La nuit porte conseil, ceux des villas feutrées des quartiers huppés de la capitale font et défont des gouvernements et des carrières politiques. A quelques semaines de l'élection présidentielle, la fièvre se saisit des membres de l'Exécutif. Ce n'est pas le spectre de l'abstention planant sur la présidentielle qui fait perdre le sommeil à nos ministres, loin s'en faut. Leurs préoccupations sont ailleurs: il s'agit pour chacun d'eux de s'assurer une place ou tout au moins de connaître le sort qui leur sera réservé une fois l'épreuve électorale passée. Pour parer à «toute mauvaise surprise», chacun mène sa propre campagne pour sa propre carrière. Au niveau des sièges de certains ministères, c'est le branle-bas de combat. Des réseaux qui ne sont pas forcement départementaux sont actionnés. Plus que cela. Une toile de sollicitations multiples est en train de se tisser. La nuit porte conseil, ceux des villas feutrées des quartiers chics de la capitale font et défont des carrières politiques. Ainsi, à côté de la campagne pour l'inscription sur les listes électorales, une campagne parallèle qui ne dit pas son nom, bat son plein. D'un côté, l'administration multiplie les formules anti-abstention pour inciter les citoyens à voter. SMS, spots-publicitaires, affiches placardées et opération «porte-à-porte», le département de l'Intérieur n'a pas lésiné sur les moyens pour assurer une participation massive des citoyens, toutes couches sociales confondues, au prochain rendez-vous électoral. Pour ce faire, le ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, avait donné instruction de «densifier la proximité de l'implantation des bureaux de vote». Ramener l'électeur à l'urne constitue la préoccupation majeure de l'administration qui, pour la promotion de l'opération électorale, a mobilisé pas moins de 10.000 agents de l'administration locale, de la Dgsn et de la Protection civile. Autant dire que le «la» est donné pour vaincre un adversaire de taille: l'abstention. Le citoyen risque de tourner le dos à l'urne et cela pourrait peser sur «le maintien des grands équilibres» du pays, c'est là le souci majeur. De l'autre côté, les ministres semblent ne pas partager cette inquiétude. Leur préoccupation commune est d'une autre nature. Le spectre qui se profile à leur horizon est celui de ne pas survivre au remaniement gouvernemental prévu, selon certaines sources informées, après l'élection présidentielle. Dans cette perspective, les ministres se déploient comme ils peuvent et mettent en branle leurs réseaux afin de plaider leur cause auprès de la présidence de la République. Cependant, à force de vouloir plaire, ils risquent de déplaire. En effet, cette bataille de maintien, menée à bras-le-corps n'a pas manqué de reléguer les préoccupations citoyennes au second plan. Pour preuve, deux ministres ont avoué leur incompétence à gérer le dossier des harraga, qualifié, pourtant, par le Premier ministre Ahmed Ouyahia, de «nouvelle tragédie nationale». A ce sujet, l'aveu de Tayeb Belaïz, ministre de la Justice et garde des Sceaux, est édifiant: «Nous n'arrivons pas à identifier les raisons qui poussent les jeunes à partir ailleurs», avait-il déclaré devant les sénateurs. Le ministre d'Etat et secrétaire général de l'instance exécutive du FLN, Abdelaziz Belkhadem, a presque lancé un appel sur les ondes de la Radio nationale à «ceux qui ont des idées» pour solutionner le problème des harraga. Le pouvoir d'achat des Algériens se dégrade de plus en plus. Démonstration: la pomme de terre se vend à pas moins de 50DA et la sardine coûte de 200 à 300DA. Dans le domaine artisanal, le ministre de la PME avait annoncé à l'inauguration de la Fête du bijou de 2004, le lancement d'un programme pour la relance de l'artisanat. Aujourd'hui, l'artisanat se meurt sous le poids des impôts. En l'absence de perspectives réelles, beaucoup d'artisans ont abandonné leur métier. L'Education nationale, quant à elle, vit au rythme des scandales. Exemples: l'affaire des cinq adolescents du lycée Okba à Alger, accusés d'avoir souillé l'emblème national, et l'affaire de l'élève morte dans un CEM à Annaba. Le secteur des transports, de l'enseignement supérieur, de la justice, du travail, de la solidarité et d'autres encore donnent l'impression de traîner le pas. Ils ne sont pas nombreux ceux qui, à l'image du département des travaux publics ou celui des ressources en eau, donnent satisfaction. Mais nos vaillants ministres quand il s'agit de sauvegarder leur position, font preuve d'énergie et d'ingéniosité insoupçonnées.