Le président du MSP estime que le pluralisme en Algérie est né par césarienne et dans la rue, au prix du sang et des larmes. Il n'est pas né dans les institutions de l'Etat et ce n'est pas le résultat d'un débat d'élites. Dix échecs politiques en vingt années de pluralisme. Telle est l'évaluation faite par Bouguerra Soltani, président du Mouvement de la société pour la paix, vingt ans après l'élaboration de la première Constitution pluraliste un certain 23 février 1989. «Outre les acquis et les perspectives, nous avons enregistré 10 échecs en vingt ans de pluralisme», a déclaré M.Soltani, lors d'une conférence animée au centre des études stratégiques, du journal d'El Chaab, portant sur le thème «20 ans de pluralisme: échecs, acquis et perspectives». Le président du MSP énumère ces échecs. D'emblée, il annonce qu'il s'agit d'un pluralisme limité. Il s'explique: «Ce pluralisme concerne seulement les partis politiques, dit-il, il ne concerne pas d'autres secteurs tels le mouvement syndical ainsi que l'ouverture du champ médiatique.» Ensuite, il le qualifie de pluralisme ambigu: «En Algérie, tous les partis sont au pouvoir et tous les partis sont dans l'opposition.» Et de mettre en exergue le manque de professionnalisme politique: «Il y a un manque flagrant de professionnalisme politique. La société n'est pas encadrée politiquement. La politique est pratiquée, beaucoup plus par régionalisme et d'autres critères.» Le quatrième échec est, selon le conférencier, le manque de relève politique. «Les partis politiques souffrent de l'absence de relève politique», souligne-t-il. Le cinquième point abordé par le successeur du défunt cheikh Nahnah est la question du leadership au niveau des formations politiques nationales: «Même au sein des partis politiques, il y a une certaine dictature. Il n'y a pas d'alternance démocratique au niveau de la présidence du parti.» Et d'énumérer encore, le militantisme de bureau: «Les partis politiques préfèrent le militantisme des bureaux que le travail sur le terrain. Excepté quelques partis islamistes, aucune autre formation issue des autres courants politiques ne fait dans le travail de proximité.» Le discours aristocratique est l'un des échecs du pluralisme: «Le fossé ne cesse de s'élargir entre les citoyens et les partis politiques. Cela est dû au manque de confiance entre les citoyens et les hommes politiques à cause des discours démagogiques et des promesses jamais tenues de ces derniers.» Les deux derniers échecs du pluralisme sont liés, selon M.Soltani, à l'absence d'un homme politique qui serve de modèle pour un changement pacifique d'une part, et aux rêves occasionnels des islamistes, démocrates, nationalistes et d'autres composantes politiques, d'autre part. Objection! A peine vient-il de reprendre son souffle que le président du MSP reçoit aussitôt une mise au point sur son analyse, de la part de «son ami» le ministre d'Etat et «allié» dans la coalition présidentielle, à savoir Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du FLN. Ce dernier n'a pas apprécié la sortie de son allié. «Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous M.Soltani», a répondu M.Belkhadem. Et d'enchaîner: «Sur les dix échecs, je peux dire que je suis d'accord avec vous sur un ou deux points. Le reste de votre analyse ne m'a pas convaincu.» Il justifie: «A titre illustratif, nous avons des dizaines d'hommes politiques qui servent de modèle. Je cite feu Mahfoud Nahnah au MSP, le zaïm Hocine Aït Ahmed au FFS et des dizaines d'autres au FLN.» Une mise au point mal appréciée par le patron du MSP. M.Belkhadem quitte la salle et M.Soltani continue sur sa lancée: «J'aurais aimé que M.Belkhadem soit avec nous pour lui répondre, mais je lui dirais quand même que sur le terrain, il s'agit bel est bien d'échecs concrets.» Revenant sur les circonstances de l'ouverture de l'Algérie au pluralisme, M.Soltani a estimé que: «le pluralisme est né par césarienne et pas normalement. Il est né dans la rue et non pas dans les institutions de l'Etat. Il est né par le sang et les larmes et il n'est pas issu d'un débat d'élites après la fin des événements de 1988». Pour M.Soltani le pluralisme est un acquis de la population, qui n'a pas été planifié. Dans sa conclusion, le premier responsable du MSP énumère les priorités qu'il faut entreprendre en urgence: «Il y a cinq priorités. Je cite entre autres, la nécessité d'encadrer le peuple sur le plan politique et même culturel, d'avoir une classe politique qui présente des programmes, et de pousser le mouvement associatif à jouer son rôle», a-t-il conclu.