«On pense toujours que lorsque quelqu'un a un autre son de cloche, il est perturbateur», a déclaré, hier à L'Expression, Abdelmalik Rahmani, coordonnateur national du Cnes. Quand la logique du «satisfecit total» observée par les départements ministériels heurte de front celle des sections syndicales, c'est, soit la cohabitation, soit l'explosion. Et sûrement les deux à la fois. On est dans un entre-deux destructeur. Hôpitaux, universités et établissements scolaires sont sur le fil du rasoir. Des réclamations itératives d'une part, une sempiternelle sourde oreille, la grève qui paralyse de l'autre, depuis huit jours déjà le secteur de la santé publique peuvent servir d'explication. «Des pressions et des dépassements sont subis par les responsables du Syndicat national des praticiens de la santé publique», témoigne le Dr Lyès Merabet en sa qualité de secrétaire général du Snpsp. Des grévistes sont menacés de licenciement pour avoir réclamé leurs droits. Des médecins travaillent dans des conditions proches de la précarité! Ainsi va la santé en Algérie. Elle est bien malade. Considérée comme l'unique section syndicale n'ayant pas été entendue par le ministre, le Snpsp ne veut pas baisser les bras, ni parler d'échec. «Notre syndicat insiste pour l'ouverture des portes du dialogue, comme première étape de nos réclamations...», précise le Dr Merabet. L'université, pôle des sciences et des technologies, n'échappe pas à cette situation qu'endurent les médecins. Les portes du dialogue sont fermées aux syndicats. «On n'a jamais été acceptés en tant que syndicats autonomes. On pense toujours que quelqu'un qui a un autre son de cloche, est perturbateur», a déclaré hier à l'Expression, Abdelmalik Rahmani, coordonnateur national du Conseil national des enseignants du supérieur(Cnes). Et d'ajouter, qu'«en Algérie, le multisyndicalisme a effectué un pas mais beaucoup reste à faire». Explicite M.Rahmani souligne que «mis à part l'Union générale des travailleurs algériens (Ugta), les autres sections syndicales sont complètement ignorées». C'est ce genre de comportements émanant de l'administration qui font fuir nos élites à la recherche d'un travail digne de l'autre côté de la Méditerranée. Et de se demander comment la fuite des cerveaux prend de l'ampleur. Déterminé à combattre davantage, le Cnes parle de «démonopolisation.» «Il faut casser le monopole de la bipartite et de la tripartite afin de permettre à tous les partenaires sociaux de participer au développement économique et social de la société», explique M.Rahmani. Pourquoi le recours à la grève, d'autre part, chaque fois que les choses se compliquent? «La grève est l'ultime réponse à des situations de blocage. Elle est également un droit constitutionnel quand toutes les portes du dialogue sont closes», enchaîne le premier responsable du Cnes. Quant aux conditions d'exercice, elles sont aussi médiocres. Le salaire des enseignants? Il est insignifiant. «Il varie entre 35.000 dinars, pour un débutant, et 70.000 DA pour les enseignants ayant un grade de professeur», précise notre interlocuteur. Pas d'augmentation. Pour les conditions de travail, elles sont très complexes. La gestion est simplement chaotique. «Des directeurs d'université ont, entre 10 et 20 ans d'exercice, alors que la loi leur limite deux mandats de trois ans», révèle M.Rahmani pour qui la situation «engendre un blocage systématique». Toutes ces lacunes font que le combat des enseignants du supérieur ou d'autres paliers, est aussi long. «Nous sommes en train de trancher sur nombre de problèmes liés à la carrière de l'enseignant. Il faut nous intégrer dans les débats en tant que partenaires sociaux», insiste le responsable du Cnes. Ce n'est pas tout. La violence gagne du terrain dans nos écoles et universités. Des enseignants et élèves s'entretuent à l'intérieur de l'établissement. Des élèves ont été surpris en possession de 2 kilos de kif dans une école primaire. D'autres phénomènes apparaissent dans une société qui se dit conservatrice. Un taux de 27% de cas de harcèlement sexuel est enregistré dans les universités algériennes. C'est ce qu'a révélé une enquête nationale menée par le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc). Rien ne va, tout est à revoir.