Quel crédit donner alors aux propos de cet islamiste qui s'habille en alpaga et qui, plus est, occupe un poste de ministre d'Etat au sein du gouvernement? Décidément, les quinze années de terrorisme et de violence n'ont pas émoussé la présence islamiste en Algérie. C'est le président du MSP, Bouguerra Soltani, qui l'affirme avec certitude quand il déclare: «Aujourd'hui, dans notre pays seuls les islamistes peuvent mobiliser les foules et occuper le terrain.» Le président du MSP évacue du champ politique le FLN, le RND et toutes les autres tendances qui agissent sur le terrain politique. Etant lui-même une partie de cette mouvance islamiste en Algérie, M.Soltani croit dur comme fer que seule cette mouvance a une emprise réelle sur le terrain. «Il n' y a que les islamistes qui peuvent travailler et militer 12 mois sur 12, sans rien demander en retour», affirme celui qui ne cache pas son désir de devenir président de la République en 2014. Quel crédit donner alors aux propos de cet islamiste convaincu et qui, plus est, occupe un poste de ministre d'Etat au sein du gouvernement? De l'avis de sociologues et d'observateurs politiques, la société algérienne s'inscrit dans «une douce islamisation depuis maintenant une dizaine d'années». Les indices ne manquent pas pour appuyer cette affirmation. Ils sont exprimés par le changement des tendances, des habitudes et le mode vestimentaire. La disposition à porter le voile chez les femmes algériennes est frappante ces dernières années. Selon une étude effectuée par le Centre d'information sur les droits de l'enfant et de la femme (Ciddef), 80% des femmes algériennes portent le hidjab. Un taux qui était presque nul au lendemain de l'Indépendance, une période où justement l'islamisme n'existait presque pas au sein de la société. Cet accoutrement étranger aux traditions algériennes, mais qui s'est incrusté sous «le voile» des préceptes de l'Islam, n'est pas seulement le fait du mimétisme ou gage de liberté de la femme. Bien plus, il véhicule une connotation religieuse et exprime cette mutation sociale que les sociologues qualifient de «régression relative». L'autre élément qui exprime ce retour à l'islamisme tient contre toute attente, au genre de musique écoutée. En effet, il y a un grand penchant pour le med'h et le genre religieux qui, à ce rythme, risquent même de détrôner la musique raï qui, autrefois, faisait fureur dans les milieux de la jeunesse. Evidemment, ces éléments n'échappent pas aux islamistes et c'est ce qui donne à M.Bouguerra cette assurance, selon laquelle l'Etat islamique se fera de lui- même «c'est juste une question de temps.» Bouguerra Soltani semble même convaincu de la faisabilité de la chose puisque «contrairement aux militants saisonniers qui n'apparaissent que durant les échéances électorales, les islamistes sont toujours présents et aucune autre mouvance en Algérie ne pourra mobiliser les foules comme peuvent le faire les islamistes.» C'est un fait, les islamistes en Algérie ont une incroyable capacité de mobilisation et d'organisation politique. En témoigne d'ailleurs la marche de soutien à Ghaza organisée le 9 février à Alger. Une démonstration de force qui renseigne sur la puissance intacte de cette mouvance. Comme partout dans les pays musulmans, l'idéologie islamiste a toujours été employée dans la contestation politique et elle a toujours nourri une indignation contre l'Etat. En Algérie, les mouvements islamistes ont une énorme capacité d'organisation politique. Si la sagesse populaire recommande de se méfier de l'eau qui dort, la sagesse politique - s'il en existe une - recommanderait de se méfier des islamistes tout court. Non seulement parce que ce sont des islamistes, mais, plus grave encore, c'est que la tendance modérée n'a pas les moyens intellectuels d'encadrer un pareil potentiel d'énergie. En raison de cette faiblesse de l'élite islamiste algérienne, l'action proprement politique est reléguée au second plan pour laisser place à la primauté des questions religieuses et théologiques. Et c'est là tout le drame de la société.