Entendre le bruit de la déflagration c'est aussi s'interroger sur le comment de leur entrée en Algérie. Des bâtons fumigènes, divers modèles de fusées, des pétards de différents calibres, des sortes de «dynamite» qualifiées de puissantes...mais aussi des bougies, des cierges qui rivalisent de beauté, des bâtonnets d'encens indispensables pour nous enivrer lors des gentilles soirées familiales de la veillée du Mawlid Ennabaoui... Tout ça est vraiment joli à voir...mais désagréable à entendre! Entendre le bruit de la déflagration c'est aussi s'interroger sur le comment de leur entrée en Algérie? Chaque année, à la veille de cet anniversaire religieux, qui marque la naissance du Prophète Mohammed (Qsssl), les citoyens délient leurs bourses sans parcimonie aucune, pour faire plaisir à leurs chérubins qui veulent à tout prix «s'éclater» dans le sens propre du terme. Ces bourses, modestes pour la plupart, emplissent à tour de bras celles des importateurs et des vendeurs occasionnels. Ceux-ci ont élu, depuis un mois déjà, les artères principales des quartiers populeux de la Casbah, Belouizdad, Bab El Oued, Clos Salah Bey (ex-Salembier) du centre-ville. Même topo dans les quartiers périphériques d'El Harrach, les Annassers, El Biar...et autres encore. Arpenter la rue Ali-Ammar et la rue Arbadji, qui «coupent» la citadelle algéroise en «haute et basse» Casbah, est une vraie «prouesse». Ces artères sont devenues, pour ainsi dire, piétonnières par la force des choses et de par le flot incommensurable des badauds qui l'empruntent en cette période. Les quelques gouttes de pluie qui les ont arrosées, les ont rendues pleines de gadoue. Mais qu'importe pour le chaland ou les vendeurs. Ceux-ci se sont «appropriés» des espaces transformés en véritables stands à l'allure «foraine» pour installer leurs étals tout le long de ces rues. Des vendeurs de cigarettes étrangères, venues on ne sait d'où, ont pu quand même se frayer de petits espaces pour écouler leur marchandise entrée au pays illicitement. Ce sont, d'ailleurs, les mêmes «importateurs» qui les approvisionnent. Quelques mètres seulement ont été épargnés pour le passage de voitures ou de camionnettes censées approvisionner le marché de fruits et légumes situé en amont de l'artère. C'est, bien sûr, avec l'approbation «évidente» des autorités locales qui ferment les yeux et font de leur mieux pour contenir toute éventuelle protestation ou tumulte qui pourraient venir de cette horde de chômeurs, petites gens issues de la Casbah, en quête de subsistance qu'ils qualifient d'«honnête». Il faut admettre que c'est là une activité plutôt lucrative si l'on sait, selon un vendeur interrogé par nos soins, qu'un bénéfice de pas moins de 20 millions de centimes est engrangé par chaque stand en cette période, soit plus de 10 fois le salaire minimum garanti (Snmg) de toute une année! Hélas, ce n'est là que la partie émergée de l'iceberg. Ce sont des millions de dinars, voire des milliards de dinars, (entendre par-là convertis en euros ou en dollars), qui sont brassés par les pourfendeurs qui, eux, restent dans l'ombre. Un vendeur, (plutôt tous les vendeurs), nous a expliqué que toute la marchandise étalée dans ces stands, «n'atterrit chez nous (petits vendeurs, comme ils se plaîsent à se qualifier) qu'en troisième main au maximum». Les «barons» ne se montrent jamais, on ne les connaît pas. Il arrive parfois, renchérit l'un d'eux, que la marchandise, nous soit «livrée en pleine autoroute et souvent pendant la nuit». Comme ce fourgon, frappé du sigle d'une entreprise nationale publique, qui a été débusqué par la police en fin de semaine dernière, vers 23 heures, alors qu'il remontait en sens interdit la rue Ali-Bouzrina (ex-rue de La Lyre). Le véhicule était bourré de produits pyrotechniques d'une valeur avoisinant «deux milliards de centimes», selon des témoignages de vendeurs concordants, recueillis sur place par L'Expression. Il s'agit, toujours selon eux, d'une opération policière menée sur «renseignements». La presse a fait état de la saisie au port d'Alger, au mois de février, de «plus de 40 tonnes de produits pyrotechniques, d'une valeur de près de 20 millions de DA». Interceptés, ces produits ont été dissimulés dans deux grands conteneurs de marchandise constituée par des produits de quincaillerie en provenance de Chine «via Dubaï», a indiqué sur place, à la presse, le chef du service régional de la lutte contre la fraude au port d'Alger, Aïssa Bouderguia. Les recherches des brigades de ce service se poursuivent toujours au niveau des autres conteneurs entreposés au port d'Alger. La réussite de cette opération découle d'un dispositif de contrôle rigoureux déployé par les services des Douanes, à l'approche de la fête du Mawlid Ennabaoui, période propice pour l'importation frauduleuse de ces produits pourtant interdits d'importation. Une semaine auparavant, le service de la brigade ambulante des Douanes d'Alger-port avait déjà opéré une saisie de deux autres conteneurs de ces produits d'une valeur globale de 20 millions de DA également. Plus de 400.000 boîtes de produits pyrotechniques ont été saisies à cette occasion. La direction générale des Douanes a indiqué, dans un bilan national des saisies, que ses services ont confisqué en 2008 un peu plus de 3,5 millions d'unités de produits pyrotechniques d'une valeur de près de 170 millions de DA. En 2007, ces saisies s'étaient élevées à 11,12 millions d'unités dont la valeur atteignait 556,23 millions de DA. Les saisies les plus spectaculaires ont eu lieu en 2006 par rapport aux dernières années, avec l'interception de 46,27 millions d'unités pyrotechniques pour un montant de 2,31 milliards de DA note le bilan. Les produits pyrotechniques importés sont généralement dissimulés dans des conteneurs de marchandises diverses, objet de fausses déclarations, a précisé la direction générale des Douanes. Des sources fiables estiment que les contrebandiers, plus aguerris qu'auparavant, usent de nouvelles stratégies et empruntent de nouvelles voies. Ils utilisent les mêmes circuits que ceux empruntés par les filières du trafic de cigarettes et de drogue. Le trafic terrestre s'opère à partir des frontières sud-est, avec la Libye, de l'ouest avec le Maroc et du sud à travers les immenses frontières avec les pays du Sahel qui sont difficilement contrôlables par la police des frontières. Les contrebandiers ont recours aux mêmes réseaux spécialisés dans le trafic de cigarettes pour l'acheminement de cette marchandise. L'astuce réside dans le fait de faire passer, tout au long de l'année, de petites quantités de produits, et de les stocker. Ces produits sont parfois acheminés «le plus normalement du monde» par bus de transport des voyageurs, qui échappent très souvent au contrôle des services de sécurité ou par l'intermédiaire de routiers. L'autre moyen utilisé est celui du transport maritime. Importés dans leur totalité de Chine, selon les vendeurs questionnés, les produits pyrotechniques sont introduits également à travers les frontières maritimes. Les ports d'Alger, de Béjaïa ou de Skikda sont, selon des responsables du secteur, les voies les plus empruntées pour leur introduction. Malgré le renforcement des dispositifs de contrôle au niveau des frontières et des ports, ces produits arrivent toujours à se frayer un chemin à l'intérieur du pays. Le volet sécurité du citoyen n'échappe pas aux services de la Protection civile qui se trouvent chaque année sur les dents durant la période de fête pour le moins «explosive». Ce sont, en effet, des centaines d'interventions qui sont opérées par les éléments de la Protection civile. Les hôpitaux sont submergés cette nuit-là. Des brûlés, des incendies, des explosions, des blessés...parfois même des décès. Mais, de grâce, cessons de «cacher le soleil avec un tamis» comme le souligne si bien un adage de chez nous et admettons clairement que la corruption continue de sévir au sein de nombreuses institutions responsables. Ainsi, un vendeur (ou revendeur?) de la rue Ali-Ammar, soutenait mordicus à notre journaliste, que «la «tchipa» exigée pour laisser passer un conteneur de produits pyrotechniques, varie de 350 à 600 millions de centimes alors que, ajoute-t-il, «la marchandise transportée ne s'élève qu'à 100 millions de centimes environ, y compris les frais de transport et de séjour en...Chine!!!», ajoutant avec une ironie agressive, quelque part: «Nous, on s'en fout. Nous gagnons notre galette selon le prix d'achat, mais c'est la petite bourse qui en pâtit» et le manque à gagner du fisc qui doit normalement prélever une imposition sur toute transaction commerciale. Un grand coup de pied dans la fourmilière est nécessaire pour contrecarrer, un tant soit peu, ce trafic et celui de bien d'autres qui minent la sécurité, la santé et l'économie du pays.