La procédure lancée par la CPI contre le président soudanais continue de susciter les réactions à Khartoum. Le président soudanais Omar el-Bechir a prévenu que le mandat d'arrêt émis à son encontre par la Cour pénale internationale pour les crimes au Darfour n'allait pas changer d'un iota la politique de son gouvernement. Mais cette affirmation est en contradiction avec l'expulsion d'ONG du Darfour, région de l'ouest du Soudan en guerre civile, qui fait craindre pour l'acheminement d'une aide humanitaire vitale pour des centaines de milliers de personnes, estiment des analystes et responsables. «La décision de la CPI ne va rien changer aux plans et programmes du gouvernement», a dit M.Bechir à des membres de son parti, le Parti du congrès national (PCN), et de l'opposition lors d'une réunion tard jeudi soir et dont le compte-rendu a été publié hier par l'agence de presse Suna. «Le gouvernement continuera les démarches en vue de la paix et organisera des élections libres et justes», a dit le président qui doit se rendre ce week-end au Darfour, une région en proie depuis 2003 à un conflit à l'origine de 300.000 morts selon l'ONU mais 10.000 selon Khartoum. Des élections générales sont prévues cette année mais la date du scrutin n'a pas encore été fixée. L'une des questions-clés est de savoir si M.Bechir sera candidat. La CPI a émis mercredi un mandat d'arrêt contre M.Bechir pour crimes de guerre et contre l'humanité au Darfour. Khartoum a sommé d'expulsion 13 ONG internationales actives au Darfour dans la foulée de la décision de la CPI. Quelque 2,7 millions de déplacés dépendent de l'aide de ces organisations. «Ils ont pris une position très sévère à l'endroit des ONG», a expliqué Fouad Hikmat, analyste à l'International Crisis Group. «Cette décision n'est rien que représailles envers les millions de personnes» au Darfour, a déclaré Georgette Gagnon, de l'organisation Human Rights Watch. Pour Katherine Bragg, responsable adjointe des opérations humanitaires à l'ONU, cette décision «est en contradiction avec les assurances que nous avions reçues selon lesquelles les opérations humanitaires se poursuivraient et seraient protégées». Le Soudan tente d'afficher une attitude de confiance, voire d'indifférence, face à la justice internationale. La décision de la CPI, «nous allons la dissoudre dans l'eau et la boire», «elle ne vaudra pas l'encre avec laquelle elle aura été écrite», elle est «une mouche dans l'oreille de l'éléphant», a dit récemment M.Bechir. «Malgré cette façade de confiance, le régime est très nerveux», estime un diplomate sous le couvert de l'anonymat, précisant qu'il y avait de vives tensions au sein du parti au pouvoir, sur la marche à suivre pour sortir de cette nouvelle crise. M.Bechir, 65 ans, pourrait tenter de regagner une légitimité par les urnes et de faire ainsi un pied de nez aux puissances occidentales. Mais je ne pense pas qu'il soit sage pour le PCN de persister avec Omar el-Bechir comme candidat. Le gouvernement n'aurait toujours pas de légitimité et cela pourrait accroître l'isolement du Soudan, estime M.Hikmat. La décision de la CPI survient au moment où le gouvernement soudanais est frappé de plein fouet par la crise économique. Plus de 60% des revenus de l'Etat dépendent des royalties sur le pétrole. Or avec un baril autour des 40 dollars, le gouvernement est privé de revenus clés pour mettre en oeuvre toute réforme, voire pour prendre en charge l'aide humanitaire au Darfour, estiment plusieurs experts.