Le fait que Ahmed Ouyahia ait accepté la mission “périlleuse” de se faire accompagner par l'inamovible ministre de l'Intérieur est un signe qui ne trompe pas. Le cabinet du nouveau Chef du gouvernement a laissé de larges secteurs de l'opinion nationale sur leur faim. Sa composante est aussi surprenante que la destitution de Benflis, l'ex-grand ami du Président. Bouteflika a opté pour la devise : “On prend les mêmes et on recommence.” Mais il y a tout de même une énigme, une grosse surprise : le maintien du très contesté Yazid Zerhouni, l'omnipotent ministre de l'Intérieur. Sa gestion calamiteuse de la crise de Kabylie, par les bourdes et le gourdin, l'a pourtant fait condamner par la vox populi. Il n'en fut rien. Tel Driss Basri au Maroc, cet ancien responsable des services secrets ne semble pas faire cas des critiques acerbes qui le ciblent aussi longtemps qu'il demeure en odeur de sainteté chez son parrain, Bouteflika. Zerhouni est donc nettement plus fort qu'on ne pensait. Hamid Temmar, qui fait aussi figure d'homme du Président, n'a pas pu sauver sa tête, cette fois, bruyamment réclamée par la Centrale syndicale. “Monsieur privatisation” n'est plus au gouvernement. Monsieur Zerhouni si… S'agit-il d'un pied de nez en direction de la Kabylie qui a bien du mal à digérer les dérapages fatals de l'homme, en le rendant personnellement responsable du pourrissement de la situation ? Ou alors une façon pour Bouteflika de signifier que le règlement de cette crise dépasse de loin les prérogatives de son ministre de l'Intérieur qui ne serait qu'un exécutant ? Il est vrai qu'on ne peut, objectivement, soupçonner Zerhouni d'avoir, à lui seul, tourné le dos à la Kabylie pour une éventuelle solution. Le Président et les autres centres de décision étaient et sont encore capables de prendre des initiatives que le même Zerhouni pourrait traduire sur le terrain. Son maintien à la tête de l'Intérieur est, sans doute, moins une preuve de la volonté de maintenir le statu quo que celle de laver l'homme de la sale réputation de “Zerhouni la gaffe”. C'est que, si volonté politique il y a en haut lieu de clore le dossier de la Kabylie par des mesures hardies, Zerhouni n'en serait certainement pas la source de blocage. Proche ami de Bouteflika, il ne peut faire que ce que son Président lui dit de faire. A moins d'une année de la présidentielle de 2004, le locataire du palais d'El-Mouradia n'est pas près de jouer son destin sur un coup de dé avec un personnage aussi encombrant que Zerhouni. Bouteflika a plusieurs tours dans son sac. La morale ayant déserté le politique chez nous, l'ennemi public numéro un qu'est notre ministre de l'Intérieur peut bien, comme par enchantement, être celui par qui la solution viendrait, après avoir été celui par qui le scandale est arrivé. Il suffit qu'on lui demande de régler le problème de la Kabylie pour que “l'impossible” devienne un jeu d'enfant. Et encore, il n'est pas dit que les animateurs du mouvement citoyen accorderaient un quelconque crédit à toute initiative émanant de lui. Faut-il dès lors incriminer Yazid Zerhouni dans le complot fomenté contre une région qui n'en finit pas de manger son pain noir ? Le fait que Ahmed Ouyahia ait accepté la mission “périlleuse” de se faire accompagner par l'inamovible ministre de l'Intérieur est aussi un signe qui ne trompe pas. L'actuel Chef du gouvernement ne semble pas disposé à signer un chèque en blanc. H. M.