Le président sortant jouit d'une visibilité étonnante, comme à Skikda, où la foule s'est agglutinée jeudi tout au long du boulevard des Allées du 20 Août 1955. La route sinueuse courant de Constantine à Skikda ne laisse pas de repos. Pour un oeil étranger, le débordement de drapeaux, d'affiches bleu roi et de banderoles en l'honneur du président-candidat à sa propre succession a quelque chose d'inhabituel. En France, les autocollants fixés en désordre ou les affiches placardées sous les ponts peuvent concerner aussi bien les petits candidats - dont les militants s'aventurent hors des sentiers battus - que les plus prometteurs. Ici, ce ne sont pas seulement les ponts et les murs qui sont envahis par l'unique figure d'Abdelaziz Bouteflika, mais les vitres des autobus, des abribus, les immeubles couverts de paraboles, et même les panneaux d'indication en pleine intersection. Les Algériens venus de toute la wilaya jusqu'à Skikda ce jeudi, exhibent d'ailleurs des dizaines d'affichettes différentes à la gloire de l'homme d'Etat. Pour eux, les dés semblent jetés. Beaucoup ont rejoint le coeur de la ville côtière à six heures du matin, d'abord parce qu'ils croient encore au président sortant. Peut-être aussi parce que son portrait est omniprésent. Les affiches, «Boutef, c'est mon choix», submergent murs et tous autres supports, et, à première vue, «Boutef» est bel et bien leur choix. Seule la victoire du président leur importe. Mohammed, lui, votera pour lui jeudi, car le président a «tout fait pour son peuple». «Je ne suis pas venu pour le voir par curiosité, mais pour le soutenir», affirme-t-il. L'homme a déjà subi, pourtant, dix longues années de chômage et vit hébergé chez ses parents avec trois enfants à charge. Accoudé depuis l'aube aux barrières de sécurité, il est accompagné de sa fille, et dit «garder confiance pour retrouver un travail grâce à Bouteflika». Etonnant paradoxe: en France, les chômeurs ont plutôt tendance à stigmatiser leurs chefs lors des périodes chiches; là, dans la bouche de ce citoyen parmi des milliers d'autres, c'est l'inverse. Des jeunes, des mères, leurs fils encore insouciants, lui font face, penchés aux fenêtres des permanences du président-candidat. Tous s'agitent autour d'une enceinte diffusant des refrains qu'ils reprennent, surexcités par l'approche du candidat Bouteflika. «Je le soutiens à 100%»! lance Bilal, qui mise sur la continuité, tandis qu'un groupe de jeunes femmes lance quelques youyous précoces. «C'est le meilleur choix, quand on voit tant de choses réalisées, ces infrastructures, cette bonne image de l'Algérie à l'étranger et la paix rétablie dans le pays, estime l'une d'entre elles. Ce troisième mandat ne sera pas de trop.» Trop, c'est souvent ce qui est reproché au président français Nicolas Sarkozy, surnommé l'«omniprésident» pour sa capacité à se trouver partout, à courir en tous sens jusqu'à donner le tournis aux citoyens français. Abdelaziz Bouteflika pourrait, quant à lui, être qualifié d'«omnicandidat». Non seulement il parcourt le pays en tous sens, ces derniers temps, mais son image est décuplée à l'infini, jusqu'à recouvrir la tour de contrôle de l'aéroport de Constantine -chose improbable en terrain français. Une manière pour le président-candidat de donner, lui aussi, le tournis.