«Que les événements du 8 Mai 1945 soient connus dans le monde entier!» est le souhait formulé par ce réalisateur téméraire. Nous l'avons rencontré loin de la sphère politique qui a enveloppé sa venue, la semaine dernière, où en présence du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, il a été amené à présenter son film London River (Ours d'argent du Festival du film de Berlin pour l'acteur Sotigui Kouyaté) en avant-première algérienne, mercredi dernier, à la salle El Mougar. Un film qui sera ici à l'affiche, dans un mois nous a-t-il appris. C'est lors d'un vernissage que nous l'avons accosté au Musé d'art moderne et contemporain (Mama) où il a été invité afin d' apprécier les oeuvres de nos jeunes talentueux artistes, photographes algériens. Affable et surtout disponible nous l'avons trouvé, ce fut donc l'occasion d'enclencher avec lui cette interview qui nous a permis de connaître, plus au moins l'impression et les projets du père d'Indigènes (2006) mais aussi de Poussières de vie (1985), nominé aux Oscars du meilleur film étranger, et Litlle Senegal (2001).. L'Expression: Vous venez de projeter votre dernier film London River, en avant-première en Algérie, devant le président de la République, un mot là-dessus. Rachid Bouchareb: Oui, j'ai rencontré la ministre de la Culture. Je trouve très bien cette femme. Elle a une énergie formidable que j'ai vraiment appréciée. J'ai rencontré un monsieur qui travaille avec elle, Ahmed Bedjaoui que je trouve génial. Il y a eu après, effectivement une rencontre avec le président de la République, à la projection du film. Il a vu le film, m'en a touché quelques mots que j'ai appréciés. J'ai l'impression qu'il aime le cinéma. Pourquoi je dis cela? Parce qu' il est venu voir mon tout premier film, Bâton rouge (Grand Prix du Festival d'Amiens en 1985 Ndlr) lors d'une projection privée, il y a 20 ans. C'est quelqu'un qui connaît et aime le cinéma, cela se sent. Quoi dire de plus, j'ai été très heureux de venir présenter mon film London River, ici en Algérie après son obtention du prix l'Ours d'argent au Festival de Berlin. C'est ce que je fais tout le temps pour mes films. La première projection d'Indigènes a eu lieu en Algérie avant qu'il ne sorte en France. Pour London River c'est pareil. Peut-on en savoir plus sur votre prochain film qui portera sur les événements du 8 Mai 1945 et dans lequel on retrouvera le même casting d'acteurs principaux.. Oui, tout à fait, il s'agira de mon prochain film, Hors-la-loi qui démarre en Algérie en 1935 puis arrive le 8 Mai 1945 ce qui représente une grosse partie du film puis l'Indochine avec les soldats et tirailleurs algériens puis toute la bataille que j'appelle «La bataille de Paris» où je montre comment le FLN s'est constitué en sept wilayas en France. Mon film, je dirais que c'est beaucoup plus Il était une fois l'Amérique de Sergio Léone. Il y a une grande dimension, je dirais policière. Un film très esthétique. La musique sera composée par Ennio Moricone. Je veux que cela soit avant tout du cinéma, comme le sont tous mes films. Et la politique est là bien sûr. La ville de Sétif sera très présente. J'ai envie que le monde entier connaisse cet événement. J'ai la chance que mes films soient distribués dans le monde entier. J'espère que cela va continuer. Je veux que le reste du monde puisse découvrir le 8 Mai 1945, surtout la bataille de Paris. Un commentaire sur l' Accord algéro-français de coproduction et coopération ratifié cette année pour l'Algérie et la France. Pensez-vous que cela va améliorer le cinéma algérien? Oui, je pense. En tout cas mon film fait partie des projets entrant dans le cadre de cet accord algéro-français. Je trouve que c'est intéressant. Un film algérien malgré la langue, va avoir la possibilité de bénéficier de tous les soutiens qui peuvent exister en France. Et vice versa pour un film français. Je pense que cela va permettre à plus de films algériens de se réaliser, d'autant plus qu'il existe plusieurs accords avec la France. Je peux citer les accords internationaux entre la France et l'Allemagne, la France et la Belgique, aussi avec la Suisse et le Canada notamment. Quel regard portez-vous sur le cinéma algérien actuel qui est en train de glaner des prix dans les festivals? D'après vous, est-ce un bon présage pour le cinéma en Algérie et peut-on parler, dans ce cas, de relance du cinéma algérien? Oui, c'est bien qu'il y ait des films comme cela qui arrivent à dépasser les frontières. Ce qui compte se sont les initiatives. Quand elles sont récompensées à l'extérieur c'est une exposition internationale. On peut prendre l'exemple de Mascarades de Lyès Salem qui est une réussite internationale. Si je reviens à moi avec mon dernier film London River, même Indigènes - il est sorti dans presque trente pays - cela permet de localiser notre cinéma et de dire: «Tiens le cinéma algérien c'est quoi?» Cela contribue à susciter la curiosité des distributeurs et producteurs étrangers. Cela les poussait à venir vers le cinéma algérien. Pourquoi avoir choisi la même brochette de comédiens pour vos prochains films (Samy Nacerei, Rochdy Zem, Jamel Debouzze et Sami Bouajila, Ndlr) Eh bien, c'était prévu que je fasse trois volets sur le film. Indigènes, Hors-la-loi et un troisième film sur l'émigration des années 1960 aux années 2000.