Les habitants des Planteurs ont renoué avec leurs anciennes habitudes: se balader en toute quiétude la nuit sur les hauteurs du Murdjadjo. La ville d'Oran continue à se chercher. Elle se veut être belle cet été. L'actualité de ce printemps domine tous les débats. La présidentielle de ce jeudi se taille la part du lion des discussions des Oranais. Elle vole la vedette aux belles vagues du printemps, aux grands immeubles du centre-ville et au Front de mer. Même le fort de Santa Cruz, sa chapelle ou Lala Meriama comme la surnomment les Oranais - seules merveilles qui dominent le paysage féerique de la capitale de l'Ouest - sont délaissés le temps de ce rendez-vous électoral qui s'annonce grandiose pour les Oranais. Lieux de pèlerinage incontournables, cette belle carte postale est caricaturée par la force des choses. Elle cache insidieusement une autre triste réalité: celle des quartiers où l'on vit pour survivre. Le quartier des Planteurs en est un exemple concret, il est considéré comme un lieu où la pauvreté est à son paroxysme Ses habitants refusent ce qualificatif qu'on leur a maladroitement collé à la peau. En quête d'une vie meilleure, ils continuent à vivoter. «Epargnez nous tous ces mauvais souvenirs», semblent-ils dire. Au rythme d'incessants mouvements, ils se mobilisent d'arrache-pied pour répondre favorablement jeudi prochain. Sur les hauteurs de la montagne, ils respirent l'air frais et débattent malgré la dureté du quotidien de l'élection présidentielle. Un petit tour aux Planteurs a été suffisant pour rapporter haut ce que pensent les gens simplement. «Sahbi pour te rendre aux Planteurs, il faut attendre à la rue des Jardins (près de la place d'Armes) pour pouvoir prendre place dans un clandestin», nous indique Abdelkader, un citoyen qu'on a supplié de nous indiquer la route qui mène vers les Planteurs...Le premier couac de la vie rigoureuse endurée par les habitants du plus grand quartier d'Oran, pourtant lié à la ville via le téléphérique. Le quartier des Planteurs n'est pas trop distant du «Vieil Oran», Sidi El Houari. En principe, le transport ne doit pas poser de problème. Hélas! Le téléphérique est à l'arrêt depuis près d'un semestre. «Aucune explication ne nous a été donnée...», regrette notre interlocuteur. Bref, les hauteurs de la majestueuse montagne du Murdjadjo, colorée et attrayante, surplombent incontestablement le plus grand quartier d'Oran, les Planteurs qui abrite plus de 100.000 âmes, toutes couches sociales confondues. Ces habitants sont répartis entre les haï Si Salah, Hadj Hassan, Chabbat. Haï Si Ali et une bonne partie de Haï Chabat ont été rasés à la suite du transfert des familles des Planteurs, entamé en 2006. La vie n'est pas très paisible aux Planteurs. Malgré le dénuement et l'indigence, les occupants des batisses précaires ne perdent pas espoir tout en attendant d'être pris en charge dans les plus brefs délais. Un seul casse-tête occupe leur esprit: le logement. Celui-ci a poussé ces habitants à vivre en éternel mouvement depuis le lancement du projet de relogement de 9000 familles des Planteurs. Le dernier qui a fait couler trop d'encre remonte à l'été 2007. Quelque 1000 familles ont été recasées sur fond de tension. En effet, les Planteurs et en contre-bas Sidi El Houari, ont été le théâtre de violents heurts entre les forces antiémeutes et les habitants du quartier. La cacophonie d'alors a touché les plus hauts responsables du pays et à leur tête le président de la République qui a chargé le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales et celui de l'Habitat à enquêter sur les dépassements dénoncés par les bénéficiaires du programme en question. Les habitants et les pouvoirs publics ne sont pas près d'oublier les séquelles qui ont accompagné le relogement d'alors. Et depuis, les mêmes habitants ne lâchent pas du lest. Ils continuent à demander leur «dû». «Nous voulons nos logements» (Khassouna des logements), revendiquent-ils. Telle est la certitude qui revient comme un leitmotiv dans les bouches des habitants des Planteurs. Loin de la galère du logement, une autre préoccupation occupe ces derniers jours les esprits de ces habitants: le vote du 9 avril, événement prioritaire de l'heure. Le rendez-vous électoral du jeudi revêt un intérêt particulier. «Il y va de notre intérêt d'aller voter», ont confié plusieurs personnes rencontrées. Les habitants des Planteurs ne sont ni indifférents, ni amnésiques, ni dupes. Ils ne sont pas près d'oublier la misère qu'ils ont vécue pendant la tragédie nationale car leur quartier était le fief des terroristes. Depuis le retour total de la paix, ces mêmes habitants ont renoué avec leurs anciennes habitudes: se balader en toute quiétude la nuit sur les hauteurs du Murdjadjo, contrairement aux années 1990 où la horde sanguinaire avait imposé son diktat et interdit tout mouvement avant même le coucher du soleil. «Cela s'est passé à Oran, connue jadis pour être havre de paix», se remémorent-ils encore. Et ces derniers d'ajouter: «Pendant de longues années, nous avons été condamnés à rentrer chez nous à partir de 17h, sahbi.» Les habitants des Planteurs ne veulent plus revivre la misère de la tragédie nationale et ne s'apprêtent pas à gager leur avenir et celui du pays. «Notre grand intérêt est de préserver farouchement cette paix et cet acquis qui ont banni la tragédie des années noires que nous avons tristement passée...», répondent-ils fièrement à nos questions pressantes. «Nous irons voter jeudi car notre quartier et l'Algérie ont besoin de stabilité», se défendent-ils. Pour Mahdi, une seule conviction: «Faisons ensemble un pas en avant et mettons définitivement fin au désespoir.» Le vote, pour ces gens simples, est synonyme de fin du cauchemar, le parachèvement des grands chantiers lancés et la stabilité définitive. Malheureusement, ce n'est pas en un laps de temps court qu'on peut redorer le blason d'un pays qui a été ruiné, livré à lui-même et délaissé pendant deux décennies caractérisées par la disette et la vacance des institutions de l'Etat, expliquent-ils. En attendant le jour J, les ruelles et passages, à la fois, sinueux et tortueux des Planteurs sont pavoisés de drapeaux et de posters et les affiches des six candidats sont collées un peu partout. Enfin, les permanences de ces derniers sont animées et les foules se mobilisent.