Malgré l'importance du rendez-vous électoral, la capitale ne se dépare pas de sa convivialité printanière. C'est le jour «J». Alger est prête à accueillir l'élection présidentielle. Mais, dans quelles conditions? «Vue de haut, la beauté d'Alger paraissait fragile et contradictoire». Ces mots de Mouloud Feraoun glissent sur les cordes du mandole du «Cardinal». Les vocables fécondent la mélodie fertile d'El Anka. Sur le «jardin de la liberté» les «Qssaid» éclosent comme des fleurs. Celles de ce fleuriste de la place Audin, au pied des hauteurs d'Alger. Une femme, la cinquantaine passée, s'arrête, attirée par la splendeur des plantes. Elle choisit un bouquet somptueux. Le printemps qu'il sent lui rappelle celui de sa jeunesse. Une jeunesse que portent Lynda B. et sa copine Cherifa M. comme le soleil levant à l'horizon de la mer. Lynda a 28 ans et elle est portraitiste. «C'est le calme plat», dit-elle à propos du climat qui prévaut dans la capitale à quelques poussières du test politique que s'apprête à vivre le pays. Un test décisif pour l'avenir de la nation. A la main de la portraitiste est suspendu un dessin. Les traits et les couleurs représentent des êtres célestes qui entourent un bébé. Le tableau est plein de tendresse. «Ces anges gardiens protégent les enfants qui sommeillent en nous» explique Lynda, en toute humilité. Les «Anges gardiens» fredonnent des airs. Mais...ce sont les chants d'El Anka qu'ils reprennent en choeur! Les chants se répandent dans le ciel. Une pluie fine de poésie commence à s'abattre. La coupe juvénile est remplie. Le vin de la fleur d'âge est servi. Cherifa le prend. Son visage s'illumine d'un sourire. «Alger est sereine. La circulation est fluide et les citoyens vaquent à leurs occupations dans le calme», assure la jeune fille. En effet, les mines n'affichent aucune appréhension quant au déroulement du scrutin. D'ailleurs les propos de M.A. le confirment. Pour ce commerçant, «la capitale a conjugué la psychose des échéances précédentes au passé. Comme vous le constatez vous-mêmes, les commerces sont ouverts. Le printemps s'est installé sur les artères et ruelles d'Alger». En effet, les rues et ruelles «respirent mieux» en cette fin de semaine. «Peut-être qu' une grande partie de la masse des employés qui travaillent dans la capitale sont rentrés chez eux pour accomplir leur devoir électoral», a supposé F.D. la trentaine. «Pas sûr» rétorque son compagnon S.B. étudiant à la fac centrale. Ainsi, chacun est allé de son propre commentaire pour décrire les conditions qui précédent le rendez-vous des électeurs avec l'urne et du pays avec son destin politique. Nous descendons le long de la rue Hassiba-Benbouali. Il est environ midi. C'est l'heure des braves, comme on dit. Le restaurant Samarkand accueille ses clients dans la convivialité caractéristique des férus du chaâbi et...du football. Les commentaires vont bon train. Les uns prédissent une victoire du CRB contre le MCA à la prochaine journée du championnat. Les autres misent sur le sursaut d'orgueil du doyen des clubs d'Alger. Les menus servis alimentent les discussions. La politique s'invite aux débats. Des voix plaident pour la victoire de Bouteflika, d'autres estiment que «Louisa Hanoune est la seule candidate parmi les autres qui est en mesure de concurrencer le président-candidat». Salhi Mohamed Salah est artisan de son état. Du haut de ses cinquante ans, ce sénior qui est loin d'être «né de la dernière pluie» a estimé que «les indices plaident pour la confirmation de la thèse de la continuité durant ces élections. D'autant plus que les candidats qui prônent le changement sont loin de traduire une aspiration profonde de la société en un projet politique à même de contrebalancer le cours des choses». Cette analyse trouve son échos chez Ben Baïbèche Amine. Rencontré au café «Hussein Dey», ce commerçant a estimé que «les conditions qui prévalent actuellement sont favorables au bon déroulement de l'élection présidentielle». Le café servi prend le goût de la nostalgie à l'écoute de la musique qui émane du transistor. «El Meqnine Ezzine» chante la beauté de la mer qui berce une trentaine de bateaux en partance vers des rêves insoupçonnés. Comme quoi, il est toujours permis de rêver...