Bouteflika ratisse large, Benflis humilié partout, Sadi décrié dans son fief, Djaballah perd son dernier bastion (Lakhdaria), Hanoune et Rebaïne dans leurs cordes... Bouira, à la différence des autres wilayas du pays, aura vécu ce 8 avril deux situations controversées. Deux régions distinctes où l'élection s'est déroulée différemment. La majeure partie de la wilaya a voté dans le calme, la transparence et la joie. Même si certains représentants des candidats ont crié à la fraude, il reste que le résultat du candidat-président ne souffre d'aucun commentaire et reste sans appel. Ainsi, Bouteflika enregistre 79,19 % des suffrages exprimés, Ali Benflis 8,38 %, Saïd Sadi 5,69 %, Djaballah 4,91 %, Hanoune 1,26 % et Rebaïne 0,57 %. Ce résultat était perceptible dès l'ouverture des bureaux. Le taux de participation, qui ira crescendo pour atteindre 47,56 % à la clôture, estimé à 9h à 13,62 %, dépassait celui des dernières législatives de 2002 (8,87 %) et celui de la présidentielle de 1999 (12,01 %). L'engouement de la matinée est à mettre à l'actif du travail mené par les responsables de wilaya du RND qui ont sensibilisé les jeunes et ont accompli un travail de proximité au niveau de toutes les zones surpeuplées. Cette stratégie, qui s'est substituée aux grands meetings où les gens se sont déplacés, vient de faire ses preuves. A l'annonce des premiers résultats et eu égard aux écarts faramineux entre Bouteflika et ses concurrents, les jeunes sont sortis dans la rue. Toute la nuit et jusqu'à hier, les villes de Bouira, Aïn Bessem, Sour El Ghozlane et Lakhdaria ont vibré au son des klaxons, cortèges et autres disc-jockeys. S'agissant de Saïd Sadi, le résultat enregistré se passe de tout commentaire. Dans les permanences de Benflis qui ont baissé rideau dès 19h, la mine était grise. La déception se lisait dans les yeux du staff qui ne comprenait pas ce raz de marée au candidat-président. Des résultats comme celui de la ville d'Aïn Bessem, où le maire FLN légaliste a fait des efforts concrets pour ses concitoyens, a vu un déferlement pour Bouteflika avec plus de 16 000 voix contre moins de 700 pour le secrétaire général du FLN. Le même constat est perçu à Oued El Berd où Benflis n'a récolté que 116 suffrages contre plus de 4000 pour son rival. Pour résumer toute cette situation, et par rapport à la fraude, un militant de Bouteflika nous dira ironiquement : «C'est à Tizi Ouzou qu'il y a eu fraude, puisque le jour du meeting, Benflis a ramassé 30.000 personnes, le jour du vote, seules 300 sont venues voter.» Un autre citoyen nous dira : «Le peuple l'a choisi, mabrouk alih.» La région Est s'est distinguée par des situations variant d'un lieu à un autre. En effet, les communes de Taourirt, d'Aghbalou, de Saharidj et de Raffour, dans la daïra de M'chedallah et les communes d'El Asnam et El Adjiba ont connu une journée perturbée. Ainsi, à El-Asnam, localité distante d'une vingtaine de kilomètres du chef-lieu, les événements ont débuté dès les premières heures de cette journée, quand des manifestants se sont attaqués aux centres de vote, ont incendié les urnes et bloqué la RN 5. A Bechloul, c'est un camion réquisitionné pour l'opération qui subira la colère des antivote. A El-Adjiba, un véhicule léger appartenant à l'APC a subi le même sort. Dans cette circonscription, seul le centre de vote de Semmache a accueilli les électrices et les électeurs. A Ath Laksar, c'est le centre de Thilioua qui a été perturbé. Pour les trois communes de la daïra de M'chedallah, le vote aurait été empêché, selon certains, par des jeunes qui se sont postés autour des lieux et menacé les personnes désireuses d'exprimer leur opinion. A Bouira, seul le centre de Draâ El-Khemis a connu des escarmouches avec l'incendie d'une urne contenant 168 bulletins. Taghzout, le fief d'un délégué des antivotants a vécu des scènes de heurts entre jeunes et CNS quand ces derniers ont voulu transporter les urnes vers l'APC après le dépouillement. A Djebahia, un député de Louisa Hanoune a agressé un jeune contrôleur d'obédience RND. La conclusion à tirer de cette consultation se résume à un Bouteflika qui a raflé la mise partout, à Saïd Sadi qui subit son énième revers en Kabylie, à Benflis humilié même dans ses fiefs, à Djaballah qui perd Lakhdaria au moment où Hanoune et Rebaïne restent dans leurs «cordes».