Il n'existe qu'un centre de santé manquant cruellement de spécialistes. La foule se presse pour embarquer dans un J5 qui assure la navette entre Ksar El-Boukhari et Chahbounia. Parmi les passagers, des habitants de Boughzoul, Bouaïche et Chahbounia chargés de DDT et de «Moubyd», les «armes» traditionnelles pour lutter contre un tueur redoutable et silencieux: l'Androctanus Australus, un scorpion terrifiant dont le venin est toxiquement comparable à celui du cobra royal! Le trajet dure une heure environ. A mesure que l'on s'approche de Chahbounia, on distingue un vaste plateau nu, par endroits rocailleux, et où les dernières touffes d'armoise ont fait les frais d'une désescalade écologique effarante. C'est sur ces 200.000 ha de steppe que vit et sévit une espèce de scorpion à la réputation solidement établie auprès des autochtones comme des spécialistes. Une réputation qui classe officiellement la région de Médéa «zone orange» (à haut risque) au même titre que Tamarnasset, Ghardaïa et Asrar. La période angoissante débute ici au mois de mai jusqu'à septembre, et l'horaire où le scorpion active se situe dans la tranche 18h-1h avec des pics signalés au moment où se lève le vent de sable qui rend cette bestiole particulièrement surexcitée. A.Chahbounia il n'existe qu'un centre de santé manquant cruellement de spécialistes en réanimation pour parer aux cas d'envenimation sévère qui entraînent détresses respiratoire, circulatoire ou neurologique. Aussi, les habitants se débrouillent en ayant recours aux méthodes traditionnelles comme la pose de garrot, la succion et l'utilisation de gaz sur la plaie. Un procédé qui, selon l'avis d'un médecin, complique les choses puisque le garrot n'arrête pas le venin mais favorise l'ischémie. Selon des sources officielles (discutables), la situation épidémiologique et l'envenimation scorpionique connaît une augmentation puisque 351 piqûres ont été enregistrées au cours de l'année 1998 contre 573 en 1999, soit des taux de morbidité de 42,85% et 69,96% pour 100.000 habitants. Encore, faut-il relever que dans les zones rurales isolées, les victimes ne sont pas évacuées et par conséquent non déclarées. Les caractères géographiques de Chahbounia, l'hygiène, le manque et/ou l'absence de goudronnage, la quasi-absence du réseau électrique et surtout les carences en matière de sensibilisation figurent parmi les causes de la prolifération du scorpion. S'y ajoute la disparition des collecteurs qui influe également sur la fabrication du sérum antiscorpionique. Obeïdi, un ancien chasseur de scorpions, arrivait à ramasser jusqu'à 100 bestioles par jour pour les envoyer à l'Institut Pasteur. L'absence de mesures incitatives l'a contraint à abandonner ce métier. De couleur jaune, queue et dard un venin renfermant onze toxines qui agissent sur les muscles et le myocarde. A noter qu'au niveau de l'administration de la santé, l'accès à une information aussi anodine est soumis à une autorisation. A croire que le journaliste algérien exerce dans un pays étranger...