L'Expression: Les consommateurs incombent la responsabilité de la flambée et l'instabilité des prix à votre département. Pouvez-vous expliquer, M. le Ministre, les raisons de cette flambée et cette instabilité? El Hachemi Djaâboub: Vous me donnez l'occasion d'apporter des éclaircissements avec des termes simples, directs et très sincères à vos lecteurs et lectrices ainsi qu'à l'opinion publique nationale. Depuis 1990, les prix en Algérie sont libres. C'était un choix politique de l'Algérie. Les seuls produits dont les prix sont fixés sont le carburant, la marge du médicament, le tabac, le pain, la semoule et le lait en sachet. Les prix des autres produits obéissent à la règle de l'offre et de la demande. Je précise que les agents du contrôle du commerce n'ont pas le droit de dire à n'importe quel commerçant pourquoi vous vendez à 100 DA, mais pas à 10 DA un produit ou un autre. Je dirai plutôt que les pouvoirs publics doivent faire l'effort pour assurer une concurrence loyale entre les opérateurs. Car, parfois, le jeu de la concurrence détermine le prix. Et que les positions du monopole et les positions dominantes perturbent la concurrence et influent négativement sur les prix. On a des problèmes en ce qui concerne les prix des légumes de large consommation au point que parfois les prix s'emballent. J'annonce la création, dans l'avenir, d'un nouvel office des légumes. Il aura pour mission de veiller à la disponibilité de ces produits stratégiques pour qu'il n'y ait pas de perturbation de ces produits sur le marché national et assurer la stabilité des prix. Il y a lieu d'ajouter l'instabilité des prix des différents produits au niveau mondial. Sur ce point, je dois souligner que la tendance du marché national est la même par rapport au marché mondial. Le rond à béton, le ciment, les prix des céréales, le prix de la poudre de lait et autres produits sont directement branchés à la situation du marché mondial. Certes, il y a des cas où l'augmentation est ressentie très vite, mais la baisse est très lente. Mais, si on fait une comparaison entre les prix au niveau national et au niveau mondial, on trouve que le delta référentiel est toujours le même. Les prix augmentent et baissent avec la même cadence et le même taux. La mercuriale n'existe pas en Algérie. Peut-on savoir pourquoi? Envisagez-vous d'installer la mercuriale au niveau de votre département, M. le Ministre? Je suis très heureux de voir le programme quinquennal présenté par le ministère du Commerce relatif aux espaces des centres commerciaux adopté par le gouvernement. Il y a un manque énorme en matière de marchés de gros, de proximité, couverts, marché à bestiaux et des abattoirs. Ce quinquennat va s'occuper sérieusement du commerce. On va commencer par déclarer une guerre sans relâche contre le marché informel. Il va y avoir, d'abord, des interventions au niveau de tous les marchés pour sommer «les commerçants» de respecter le règlement du marché. Les gênants, qui occupent les allées du marché seront pourchassés. Nous sommes déterminés à éradiquer les scènes négatives du «commerce informel» qui se trouvent à l'intérieur des enceintes commerciales. Je cite un exemple. Je ne blâme pas les commerçants mobiles dans les grandes cités Aadl. Car, c'était de notre faute, nous qui n'avions pas pensé à des marchés couverts. Mon collègue de l'Habitat et moi aurions dû penser à dédier le rez-de-chaussée des immeubles aux marchés couverts. Nous avons un programme national visant la construction d'une quarantaine de marchés de gros, de détail et marchés couverts. Nous espérons recycler, dans cette politique, les commerçants informels et pouvoir les intégrer dans un espace formel. Ainsi, une fois que les espaces informels sont éradiqués et intégrés dans le formel et travaillent dans la dignité et une fois des marchés de gros, de détail, marchés couverts sont réalisés, on pourra, ainsi, installer la mercuriale. Le marché informel a accéléré le phénomène de la contrefaçon qui gangrène le marché national au point que l'Algérie est parmi les pays qui occupent les premiers rangs dans la contrefaçon. Ce qui suscite, d'ailleurs, les inquiétudes des investisseurs étrangers. Pensez-vous, M. le Ministre, élaborer une politique pour faire face à ce phénomène? Je souligne que l'objectif de la réunion que j'ai tenue aujourd'hui (lundi, Ndlr), avec les chefs d'inspections aux frontières, c'était justement pour les sommer de respecter la loi, à commencer par le contrôle de la qualité. Désormais, on commence par l'étiquetage. C'est-à-dire l'analyse du produit pour assurer la concordance entre ce qui est écrit sur l'étiquette et la valeur réelle du produit. Pour notre première opération, nous ciblons la contrefaçon des pièces de rechange. Je vais dans les prochains jours m'entretenir avec les concessionnaires automobiles. D'emblée, je vais leur dire, à travers votre journal, que désormais, toute importation de pièces de rechange de marque d'autorité internationale doit être accompagnée de certificat d'origine authentique. Le ministère du Commerce a l'intention de saisir les chancelleries étrangères installées en Algérie pour demander à leurs constructeurs automobiles de nous fournir la liste de leurs usines installées en dehors de leur pays d'origine. Par la suite, nous allons appliquer la même politique sur les autres produits. Nous sommes plus que déterminés à mener une guerre sans relâche contre ce phénomène jusqu'à son éradication définitive. Cela pour trois raisons essentielles: la sécurité de la santé du consommateur, la satisfaction des attentes légitimes des consommateurs ainsi que la sauvegarde des intérêts des firmes mères, ce qui s'appelle la protection de la propriété intellectuelle et ce conformément aux engagements de l'Algérie. On va encore renforcer le contrôle de la qualité après la réception du laboratoire national d'essais qui aura pour mission de contrôler tous les produits importés. Il y a lieu d'ajouter le recrutement de 7000 universitaires spécialisés dans les volets technologique, mécanique, informatique, qui vont, également, contrôler tous les produits importés. Peut-on savoir où en sont les négociations pour l'adhésion de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce? Le comité gouvernemental présidé par le Premier ministre va se réunir dans une semaine pour étude et approbation des réponses données aux questions émanant des USA et de l'Union européenne. Egalement, j'envisage une rencontre avec le patronat, Ugca, Ugta, Unpa pour les informer de la situation exacte de nos négociations. Nous allons constituer un bloc pour négocier au mieux les intérêts de l'Algérie et rentrer tête haute à l'OMC. Pour d'autres détails, je préfère attendre la réunion du Comité gouvernemental qui tentera de débloquer là où ça coince et connaître, aussi, les réponses pour m'exprimer beaucoup plus. La distribution est le maillon faible de votre secteur. Jusqu'à maintenant elle existe d'une manière fragmentée. Pensez-vous, M. le Ministre, installer une carte nationale de distribution? Nous sommes en plein chantier pour l'élaboration d'une loi sur la distribution qui nous fait défaut. On va commencer par faire le cadrage nécessaire. Nous avons six projets de grande distribution en chantier. On a des opérateurs mondiaux dans le domaine qui veulent y coopérer. Nous espérons en 2009 pouvoir activer au moins six très grandes surfaces de distribution. L'adhésion de l'Algérie à la Grande Zone arabe de libre-échange, Gzale, a suscité l'inquiétude des opérateurs nationaux qui vous accusent d'agir seul. Avez-vous mesuré les conséquences d'une telle démarche sur les opérateurs nationaux et l'économie nationale? Je commence par une précision de taille. Le ministère du Commerce ou le gouvernement en entier n'ont jamais eu l'intention d'agir seuls sans consulter les opérateurs. On ne peut pas négocier l'avenir de l'économie nationale sans consulter au préalable les opérateurs. C'est de leur intérêt que dépend l'intérêt de l'économie de la Nation. Je rappelle que la convention de la Gzale a été préparée par les experts de tous les pays arabes. Elle a été arrêtée en 1981. Deuxièmement, il n'y a pas de négociations à faire. Soit on y adhère, soit on n'y adhère pas. Elle s'applique de la même manière dans tous les pays arabes. La balance commerciale intra-arabe est au bas de l'échelle. Les gouvernements arabes ont pensé à un meilleur moyen de booster les échanges commerciaux intra-arabes. La Gzale a été mise en oeuvre par les pays arabes en 1998. L'Algérie n'a pas voulu la mettre en oeuvre à cette époque-là. Elle a toujours poussé et repoussé sa mise en oeuvre. En 2004, l'Algérie a ratifié l'accord sur la convention de la Gzale et le décret a été publié en août 2004 avec l'intégralité de la convention. Tous les pays ont procédé à sa mise en oeuvre, excepté la Somalie, le Djibouti et l'Algérie. En 2007, Son Excellence le chef de l'Etat avait déclaré, lors du Sommet de Riyad, que l'Algérie va appliquer la convention de la Gzale avec comme option janvier 2008. On a encore gagné une année et la mise en oeuvre est devenue effective en 2009. Concernant les consultations avec les opérateurs, on a déjà organisé une première rencontre avec eux. Je précise que la concertation se fait après l'adhésion, et non pas avant. Pourquoi? Pour élaborer avec les opérateurs une liste «négative». C'est-à-dire la liste des produits en provenance des pays arabes qui ne bénéficieront pas de l'exonération douanière. Ce sont les ministères sectoriels concernés (énergie, PME-PMI, l'industrie, l'agriculture et la santé), qui vont établir cette liste avec les associations patronales. Ce mercredi (aujourd'hui, interview réalisée lundi, Ndlr), je vais installer une commission technique de suivi des échanges commerciaux avec les pays arabes et européens. Cette commission va établir le premier «J» des produits à ne pas importer. Elle va également étudier les requêtes éventuelles faites par les opérateurs. Cette liste va être étudiée au niveau du Conseil économique et social de la Ligue arabe. Actuellement, le ministère va mettre en place un portail électronique au niveau de l'Agence du commerce extérieur. Ce dernier va être connecté au Cnis, qui est un Centre des statistiques de la Douane, pour suivre en temps réel le flux des importations et des exportations. On doit être regardant sur la véracité des documents remis et notamment sur le certificat d'origine et le taux d'intégration de ce produit pour dire qu'il est d'origine arabe afin qu'il bénéficie de l'exonération fiscale. Je souligne avec des regrets que durant les années passées, la quasi-totalité des opérateurs minoraient la facture. Ils déclarent moins ce qui a été payé réellement pour ne pas payer le droit de douane. Pour les exportations, je souligne que tous les produits d'origine algérienne sont admis en franchise totale dans l'ensemble des pays arabes. Les opérateurs nationaux peuvent placer facilement leurs produits sur le marché arabe, avec l'avantage des exonérations de droits de douane.