Depuis quelques jours, certains ministres du gouvernement Ouyahia font feu de tout bois. Ils communiquent assez aisément et ne se privent pas de sortir les «gros dossiers» qu'ils ont gardés sous la main ou mis de côté, campagne présidentielle oblige. D'autres, au contraire, se font plus discrets et semblent très effacés par rapport à leurs collègues. Comment donc retrouver une voix médiatique dans une période de doute et d'incertitude? Si le portefeuille menace de vous échoir, mieux vaut potasser un peu son dossier. Et c'est ce que font actuellement avec un petit brin de malice certains ministres qui tentent d'occuper le terrain. Occuper le terrain, c'est se répandre en annonces tous azimuts, sauter à la gorge de l'information, surtout des faits divers, pour donner l'illusion de l'activité. Peu importe que les annonces et les propositions soient raisonnées et raisonnables, et qu'elles puissent déboucher sur quelque chose de tangible: le plus important est d'initier plutôt que de réaliser. Tour à tour, Chakib Khelil, Abdelmalek Sellal, El Hachemi Djaâboub, Rachid Benaïssa, Saïd Barkat et Chérif Abbès se sont illustrés ces derniers jours par des annonces qui ne laissent pas indifférents. Le ministre de l'Energie a annoncé à partir d'El Tarf que l'ensemble des grands projets structurants inscrits au titre du IIIe programme quinquennal «sont tous maintenus». Le ministre des Ressources en eau abonde dans le même registre et soutient mordicus que la distribution de l'eau potable ne «sera pas perturbée cet été» donnant ainsi plus d'espoir à une population en quête de bonnes nouvelles. El Hachemi Djaâboub part à «la guerre contre la contrefaçon», un phénomène qui s'est largement répandu ces dernières années. Le ministre de l'Agriculture avance sans sourciller que la production céréalière de cette année «sera exceptionnelle» tandis que Saïd Barkat veille à «mettre hors champ» la grippe porcine qui rôde autour de nos frontières. Quant au ministre des Moudjahidine, il bat la mesure, à un mois du déplacement du chef de l'Etat en France en demandant à ce pays des «excuses officielles» pour les crimes commis par l'armée française en Algérie. N'importe quel conseiller en communication dira que la coopération est la meilleure des réponses. A ce jeu-là, le ministre Zerhouni est le meilleur dans ce domaine. Ce n'est plus un secret: il est parmi ceux qu'on entend le plus depuis plusieurs mois. Il communique assez souvent avec les journalistes autant que tout le staff gouvernemental réuni. On peut à la limite regretter l'absence d'une cellule de communication au sein de son ministère, mais la recette Zerhouni a fait ses preuves. Il occupe le terrain constamment au point de déranger certains chargés de la communication qui, souvent, déversent leur colère sur des journalistes. D'autres en délicatesse avec le président de la République préfèrent laisser passer l'orage et attendre le moment venu pour monter au créneau surtout qu'un Conseil des ministres est programmé pour demain. Ont-ils peur de la petite «phrase assassine» qui les mettra automatiquement hors circuit lors du prochain remaniement ministériel? Parmi ces derniers ministres, il existe une catégorie qui a laissé échapper une très bonne opportunité de se mettre en évidence. C'est le cas notamment du ministre de Finances, Karim Djoudi, qui a abandonné au premier responsable de la Banque d'Algérie la prérogative de rendre public le niveau «des réserves de change qui avoisinent les 144 milliards de dollars». A ce jeu-là, même l'hyper-médiatisé Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a perdu au change depuis qu'il n'est plus chef du gouvernement. Aujourd'hui qu'il est le coordinateur de l'équipe gouvernementale, il est tenu de garder le silence, lui le grand communicateur. Mais ce n'est que partie remise. M.Ouyahia aura l'occasion de se prêter à son jeu favori lors de la présentation de son Plan d'action devant les parlementaires la semaine prochaine.