«Cette musique est un vecteur de civilité dans le dialogue culturel entre les peuples des deux rives de la Méditerranée.» Sous la direction de M.Redouane Mohamedi, directeur de l'établissement Arts et Culture, une contribution autour du thème «Confluence de la musique andalou- maghrébine et le dialogue des cultures dans le rapprochements des peuples», du docteur Boudjamaâ Haïchour, a été organisée hier mercredi à la salle Laâdi-Flici devant un parterre de journalistes. Toutefois, à l'issue de ce rendez-vous des Andaloussiate El Djazaïr, et au vu de la qualité des questionnements, il est à constater qu'une préoccupation réelle dans une projection certaine existe au titre des projets en cours dans la sphère culturelle. Lors de la rencontre tenue dans cet agréable espace, le contributeur a estimé que «ce dialogue des cultures a façonné depuis des siècles un comportement d'urbanité et de raffinement des peuples des deux rives de la Méditerranée». «C'est à travers la perception de cette communion que les peuples d'Andalousie et du Maghreb ont fécondé par leur créativité une musique savante qui va bercer tout au long des siècles des générations de mélomanes», a-t-il souligné. Bien que l'histoire de l'Andalousie et du Maghreb arabe a fait l'objet de nombreuses recherches et de publications, autant de questionnements appellent à une réflexion ethnomusicologique et historiographique pour tenter d'apporter des réponses appropriées. Des débats contradictoires ont eu lieu dès le XVIIIe siècle sur la poésie lyrique en langue romane et Juan Andres dans son «Origine, progrès et état actuel de toute la littérature», défendait l'origine arabe de la rime et des troubadours...«Ainsi, on peut dire que la musique liturgique et grégorienne dans sa structure est d'essence arabe. L'opinion la plus répandue est que la lyrique médiévale occidentale pouvait se découvrir dans la poésie arabe du IXe au XIe siècle. Le transfert du liturgique au profane et inversement se retrouve dans les polyphonies, notamment dans l'emploi des refrains et couplets du modèle mouwachah et zajal, tels au XIIIe siècle, l'ensemble des cantigas de Santa Maria», a expliqué M.Boudjemaâ Haïchour sur les sources de la composition musicale occidentale. Cette musique a une histoire et c'est un patrimoine millénaire. D'ailleurs, l'amorce de la culture arabo - berbère commença en Andalousie dès le IXe siècle avec les Omeyyades sous le règne de Abderrahmane Mais, c'est à l'époque de Abderrahmane II qu'apparaissent les premiers savants et musicologues. «La musique arabo- andalouse demeure en effet tributaire de la tradition orale et des règles rigoristes de la transmission qui assurent au cadre mélodico- rythmique sa survivance et sa consécration. Elle est essentiellement modale», fait-il remarquer. A cet effet, il ajoute: «De toute une présence musulmane de près de huit siècles, les Arabo - Berbères ont laissé un grand héritage à la fois scientifique, culturel et musical. La langue arabe était par excellence synonyme de raffinement et d'érudition. La prose, la poésie et la musique étaient des disciplines hautement valorisées. Cette musique a été, par le génie de ses maîtres qui ont su transmettre de génération en génération ce patrimoine riche et sublime, un vecteur de civilité dans le dialogue culturel entre les peuples des deux rives de la Méditerranée». A l'ère de l'évolution satellitaire et numérique qui bouleverse le transport de l'image et du son, il s'interroge: «Quelles convergences culturelles doit-on mettre en oeuvre dans la pluralité des mélodies pour nous faire encore rêver dans un monde plus tolérant et plus humaniste? Une aire andalou-maghrébine d'une musique modale chantant l'amour et la beauté d'un espace romanesque d'une symphonie éternelle?» C'est donc fort de ce constat proposé aujourd'hui que les chercheurs soucieux de ce patrimoine immatériel ont plus que jamais besoin de réfléchir à la mise en place d'un modèle culturel en connexion avec l'environnement socioéconomique actuel, mutualiser les ressources existantes, renforcer les capacités managériales et penser à la sauvegarde de ce legs. Et durant le débat, chaque intervenant a apporté sa lecture et sa touche sur la situation de la musique de notre pays en général, avec une autre conception, un autre regard et une autre sensibilité pour un avenir meilleur.