Le logement est devenu l'otage des spéculateurs. Les entrepreneurs algériens ne savent plus sur quel pied danser. Et pour cause, les prix des matériaux de construction en général, et du ciment en particulier, ont connu ces derniers temps une flambée jamais égalée auparavant. De 250 DA, qu'il coûtait, le sac de ciment de 50 kg est cédé aujourd'hui à pas moins de 500 DA. D'autant plus que l'Algérie accuse une grave pénurie en matière de ce produit. A croire certaines sources, cela est dû à la demande de plus en plus croissante du ciment et du rond à béton. Calculons: la demande de ciment se situe, cette année, autour de 18 millions de tonnes, alors que la production annuelle a été estimée à 16 millions de tonnes. Ce qui implique un déficit de 2 millions de tonnes. Le plus grave c'est que les pouvoirs publics ont procédé récemment à la fermeture de quatre cimenteries. Les entrepreneurs et les constructeurs, qui sont les plus exposés et subissent l'impact de ces fermetures à cause de la flambée des prix du ciment, protestent et dénoncent cette état de fait. «Nous sommes les premiers à pâtir de cette situation. Et cela se répercutera sur les grands projets de construction qu'a lancés l'Etat algérien», selon M.Y.Lakhdar, entrepreneur depuis des années. D'après lui, tout le secteur du bâtiment et des travaux publics est en danger. Ainsi, les différents programmes de réalisation d'infrastructures notamment celui de la construction de un million de logements sociaux sont sérieusement menacés. Cet entrepreneur spécialisé dans la réalisation de projets de grande envergure n'est pas allé sans fustiger les cimentiers nationaux. «Non seulement ces cimenteries ont fermé sans avancer la moindre raison, mais chose plus grave encore, aucun stock de sécurité n'a été prévu». M.D.Mohamed, autre entrepreneur approché par nos soins a tenu à préciser: «Cette situation sans précédent est en passe de freiner considérablement l'avancée des projets de construction». En effet, tout un chacun a dû constater les chantiers de construction de bâtisses, de ponts et autres inscrits dans le cadre des programmes quinquennaux et qui n'en finissent pas. Ces retards sont expliqués en partie par la crise du ciment. Notre interlocuteur, qui a roulé sa bosse auprès de différents Offices de promotion et de gestion immobilières (Opgi) à l'échelle nationale, a expliqué: «Pour un projet de 12 mois, on se voit traîner pendant 20 mois faute de disponibilité de ciment qui nous est servi au compte-gouttes avec des retards frôlant souvent l'irrationnel. On demande que l'Etat subventionne ce matériau de base.» M.Mokadem, expert en économie internationale, a expliqué que la hausse des prix du ciment et des matériaux de construction en général est «étroitement liée aux problèmes que vit cette filiale» qui ne semble pas, au demeurant, capable de relever le challenge de l'heure car se morfondant dans une totale stagnation. Selon ce spécialiste, les experts et les professionnels du secteur sont dans l'urgence d'établir un constat qui démontrera réellement les lacunes de la filiale en question, et ce, au moment où on assiste à un véritable «boom» enregistré dans le domaine de la construction. Une écoute et une prise en charge des multiples problèmes dont souffre le secteur est plus que nécessaire. Vu la situation du marché du ciment, elle ne pourra qu'être bénéfique pour toutes les parties, selon les propos de M.Mokadem. Le même interlocuteur a signalé que l'Algérie débourse quelque 100 à 120 millions de dollars dans le cadre de l'opération de l'importation de ciment. Se fiant à lui, cette enveloppe peut couvrir «aisément» un investissement à long terme. Un investissement qui engendrera la construction d'une cimenterie moderne en l'équipant de tout le matériel adéquat.