«C'est un cri de conscience qui a fait bouger en l'homme le rêve d'exister», lancent-ils. Désormais, cette année les créations se réalisent, et la liste des scénaristes et des metteurs en scène qui tentent l'aventure s'enrichit de projets qu'ils présentent une fois encore à l'occasion de la 4e édition du Festival national théâtre professionnel et qui entre dans le cadre de la manifestation «Al Qods, capitale de la culture arabe 2009», et qui s'étalera tout au long de l'année en cours. Selon les organisateurs, à leur tête M.M'hamed Benguettaf «le Festival s'est fixé comme objectif de contribuer à l'épanouissement de la culture nationale des différentes régions du pays, de favoriser la promotion des arts du théâtre national quant à la production et à la diffusion, d'encourager les expériences d'avant-garde et les recherches dans le domaine du théâtre, d'organiser des rencontres dans les divers domaines du théâtre, de développer l'émulation créatrice entre les hommes de théâtre». Durant les premiers six jours de cet événement qui prendra fin le 4 juin, et qui mettra en compétition les théâtres et les troupes participantes, ces derniers ont présenté leurs créations récentes qui répondent au souci de faire évoluer notre théâtre vers davantage de qualité aussi bien sur le plan du texte que sur celui de la forme. Le Théâtre régional d'Oran (TRO), qui a présenté sa nouvelle production intitulée Essadma (le choc), marquera ainsi l'ouverture de la compétition officielle entrant dans le cadre du Festival national du théâtre professionnel (FNTP) 2009 «Edition El Qods». Essadma, adaptée du roman l'Attentat de Yasmina Khadra et mise en scène par Ahmed Khoudi, s'ouvre sur l'enquête des services secrets israéliens et l'interrogatoire que subit un médecin palestinien naturalisé israélien. A travers une succession de tableaux, les spectateurs découvrent qu'Amine vivait heureux depuis une quinzaine d'années avec sa femme, à Tel-Aviv, jusqu'au jour où sa vie bascule et perd tout son sens à cause de l'attentat kamikaze perpétré par sa femme, emportant avec elle plusieurs victimes, dont des enfants. Amine découvre alors sa femme et tente de comprendre comment elle est devenue ce «monstre» qui a commis ces horreurs. Après avoir lu une lettre que sa femme, peu avant de se sacrifier, lui avait envoyée, il décide de mener sa propre enquête pour en savoir davantage sur les raisons et les instigateurs qui ont poussé sa femme à commettre un tel acte. La coopérative Mesrah El Afsa de Tlemcen, à son tour, est a revenue avec une nouvelle pièce de Abdelkrim Gharibi, intitulée, Likaâ bisoudfa (rencontre surprise), la mise en scène de Ali Abdoune et la scénographie de Yahia Ben Amar. Likaâ Bisoudfa est une pièce inspirée de l'ouvrage de l'écrivain polonais Brontek, à laquelle Abdelkrim Gharibi a donné une dimension qui touche toutes les franges sociales. Ainsi, l'auteur a fouillé dans le terroir pour ajouter une touche artistique, tels les récits historiques, les légendes, les mythologies et les contes populaires. Il n'existe aucun environnement propice à la démocratie sous le régime des sanctions. Vu l'ignorance qui régnait durant, et la destruction de toutes les valeurs de justice, de liberté et d'égalité, l'acteur principal de la société, qui est l'homme, subit et subira encore. Un sentiment terrible, celui d'être rejeté par tout le monde, a marqué l'auteur, M.Yahia Ben Amar. «Notre objectif est d´apporter un plus à cet art ´´Eveil´´, en le hissant au niveau de toutes les couches sociales et le 4e art doit atteindre et même dépasser les premières attentes de la société, même s'il faut briser les tabous car toutes les définitions et les valeurs ont changé de sens.» explique Ali Abdoune. «C'est un cri de conscience qui a fait bouger en l'homme le rêve d'exister», lance-t-il. Quant au Théâtre régional Azzedine-Medjoubi de Annaba, sa participation n'est pas des moindres avec Mezghena 95. Une adaptation de Hamid Gouri, tirée de l'histoire Harissat El-Dhallal (la gardienne des ombres), de l'écrivain Waciny Laredj, et mise en scène par Yahia Ben Amar. Réincarnant sur les planches les vicissitudes et les souffrances vécues par des intellectuels algériens durant la tragédie nationale, l'histoire relate le parcours de Miguel Cervantès à Alger. Alors que ce personnage atypique du roman a donné naissance à une littérature universelle, il est quasiment ignoré dans les établissements scolaires algériens, et parmi tant d'autres. Les comédiens écrivent dans le temps, le passé mais aussi dans le présent, puisque Cervantès continue toujours d'exister parmi nous, se substituant au personnage principal pour revenir sur le parcours et le passage de Don Quichotte à Alger. Et le voyage de Cervantès à Alger n'est guère un luxe ou un énième retour à l'histoire des XVIe et XVIIe siècles. «Plus que dans tout cela: revivre cette possibilité de rencontre et de partage même quand les temps sont durs. Juste un rappel, presque désespéré, pour un monde qui s'autodétruit sans s'en rendre compte». Cette pièce n'est pas écrite pour confirmer malheureusement ce que nous avons déjà lu et vu tant de fois et témoigner une fois de plus de l'écrasement impitoyable d'une société, mais surtout pour porter un message lancinant: un cri du non-abandon et se concentrer sur les actions concrètes pour la construction d'une nation forte, car c'est le seul où un l'espoir subsiste. Quant au Théâtre régional de Tizi Ouzou, il marque sa présence et sa contribution à un tel événement avec la pièce Spirale de Lahcène Maliani, mise en scène par Djakati Aïssa et dont l'interprétation des rôles est assurée par Amar Salami, Berkane Mahfoudh, Saliha Idja, Malika Malah et Hadj Messaoud Mohamed. Celle-ci résume une très belle histoire qui correspond à l'actualité. Or, l'escroquerie est devenue un phénomène social, voire un sport par excellence. Mais posons-nous la question du pourquoi. En fait, le principe qui se cache derrière tout cela est celui de la preuve sociale. Avec la rapidité actuelle de développement de l'information et de la complexité des modes de vie, ce principe ne cesse de gagner en poids. Et puisque nous ne pouvons pas être spécialistes en tout, nous avons pour habitude de nous fier à la preuve sociale, c'est-à-dire au bien-fondé de notre comportement en regardant ce que font les autres. Ainsi, la majorité, nous servant d'indicateur de l'épreuve sociale. Un indicateur qui est de plus très facile de passage. Cette fois-ci, c'est au tour de la coopérative Ikbal Lilfounoun Adramia de Annaba avec une nouvelle production intitulée Alla El Ghala de Larbi Boulbina et mise en scène de Kamel Rouini. L'histoire relate l'inhumanisme et les idées diaboliques de ‘'l'être humain'' au point d'exploiter même les morts à son profit. Car de nos jours, les hommes en général n'ont plus le sens des vraies valeurs. La thématique pose la question morale du libre-arbitre. Car on peut permettre de faire le bien et d'élever peu à peu le langage, la communication vers la confiance réciproque, comme on peut les détruire par l'émergence du doute, de la division et d'une perte de confiance exacerbée: c'est ce qui est malheureusement le plus répandu de nos jours...Il s'ensuit une perte de la valeur de toute forme. Etant perverti, il ne peut construire, mais détruit. Dans cette pièce, il s'agit avant tout de mettre en exergue le fait que, dans un monde marqué par l'aveuglement, l'indifférence, l'insouciance, l'ignorance et la destruction de toutes les valeurs de justice, de liberté et d'égalité et de respect à autrui, l'être humain subit encore les affres de l'hypocrisie et du double visage de son prochain. Il s'agit surtout d'oeuvrer en vue de renouveler et d'innover dans la création en s'ouvrant sur les autres arts scéniques et toutes les expressions artistiques de manière à continuer dans cet art et à dévoiler cette injustice, cet inhumanisme qui vient de partout juste pour une poignée de sous. Par contre, en marge des représentations, le programme a prévu des représentations hors compétition (OFF), avec la participation de six troupes algériennes et neuf étrangères, entre autres, Palestine, Jordanie, Irak, Syrie, Maroc, Tunisie, Egypte, Suède et la France. Et Toujours en marge du Festival national du théâtre professionnel, des chercheurs et des universitaires se sont rencontrés au colloque qui a été organisé par le commissariat de ladite institution, durant trois jours à la salle Laâdi-Flici pour débattre d'un thème aussi important qu'est «le théâtre arabe et la cause palestinienne». De nos jours, le monde subit de profondes mutations. C'est à un rythme toujours accéléré que les découvertes scientifiques nous apportent une compréhension de plus en plus détaillée et approfondie du monde qui nous entoure. Le rendez-vous a été marqué par des conférences sur la production théâtrale arabe et sa relation avec la cause palestinienne, animées par des hommes de théâtre arabes. Les conférenciers ont, à cette occasion, souligné que la cause palestinienne «était, est et restera la préoccupation du citoyen arabe de l'Océan au Golfe jusqu'à ce que le peuple palestinien recouvre tous ses droits sur ses terres confisquées». L'homme de théâtre Kacem Matroud (Irak), président de la fondation, a estimé que les Arabes «ont besoin de personnes possédant des capitaux et jouissant d'intelligence pour être en mesure de créer ce qui est à même de véhiculer nos idées et notre vision aux autres et ainsi, de nous imposer dans ce millénaire». Il a, à cet égard, rappelé que la pensée produite par la colonisation britannique concernant la cause palestinienne «est passée par les détenteurs de capitaux qui ont fait la propagande d'une pensée d'occupation selon laquelle la Palestine est une terre israélienne». Selon lui, le 4e art est le premier rempart contre ces allégations. Il a, dans ce contexte, appelé à accorder un intérêt particulier au théâtre dans les instituts et académies spécialisés. Le docteur Hafnaoui Baâli (Algérie) a, pour sa part, souligné que le théâtre algérien «s'est employé à communiquer fidèlement les émotions et les sentiments des Algériens à l'égard de la cause palestinienne». Les hommes de théâtre algériens ont tiré la sonnette d'alarme dans des centaines de productions théâtrales, concernant le danger que tous les pays arabes se doivent de battre en brèche car, a-t-il dit, le destin d'El Qods «concerne tous les peuples arabes sans exception». Le conférencier Nacer Arbid (Syrie) a mis en exergue l'étroite relation entre la rue arabe et la cause palestinienne, soulignant que cette relation «s'est matérialisée dans le théâtre et les différentes productions théâtrales arabes». Et selon le président de la rencontre, M.Waciny Laâredj, à diffuser les productions théâtrales arabes relatives à la cause palestinienne dans les pays étrangers afin de sensibiliser tous les artistes à travers le monde à cette juste cause. Et durant la clôture de ce colloque international sur «la cause palestinienne dans le théâtre arabe», les participants ont insisté sur la nécessité de créer un fonds arabe de financement de la production théâtrale sur la cause palestinienne. Le document final de la rencontre a évoqué l'idée de création d'une troupe palestinienne qui bénéficiera du soutien des ministères arabes de la Culture, appelant ces derniers à consacrer une partie de leurs budgets pour les oeuvres du 4e art à la cause palestinienne. Dans l'objectif de répertorier les oeuvres élaborées dans ce domaine, les participants ont appelé à la mise en place d'une commission arabe siégeant à Alger, chargée de la création d'une bibliothèque comprenant toutes les oeuvres théâtrales et textes littéraires ayant abordé les aspects de la cause palestinienne qui sera mise à la disposition des nouveaux chercheurs. Les hommes de théâtre arabes ont appelé à l'adoption de nouvelles approches qui serviraient cette question loin de toute passion ou slogans stériles. Ils ont également souligné l'importance de traduire les meilleures textes arabes écrits dans ce sens vers différentes langues internationales. Ainsi, les participants ont convenu de consacrer la prochaine session au théâtre maghrébin. Souhaitons que ces recommandations ne soient pas réduites à un voeu pieux.