Au plus fort des attentats du GIA, les auteurs ne trouvaient pas autant de facilité qu'aujourd'hui. Deux policiers, qui régulaient la circulation au carrefour Franklin-Roosevelt, près du Palais du peuple, ont été la cible d'un attentat terroriste, hier, aux environs de 14h. Selon les affirmations des riverains, deux jeunes, dont l'âge n'excède pas les 25 ans, ont tiré plusieurs balles sur les deux policiers, avant de prendre la fuite. Un des policiers atteint au niveau du thorax, est mort sur le coup. Le deuxième, bien que sérieusement touché, «a pu riposter», affirme une source policière. Du sang coagulé, en abondance, maculait encore la chaussée lors de notre passage, moins d'une heure plus tard. La circulation a été sérieusement perturbée afin de permettre à la police scientifique de procéder aux prélèvements d'indices. Onze cercles, faits à la craie blanche, désignaient les douilles des armes automatiques «des PA 15 coups», selon un officier de police. Un habitant du quartier a affirmé que les deux terroristes «étaient extrêmement jeunes, entre 22 et 25 ans, tout au plus, et portaient des jeans». Cette description confirme, encore une fois, l'existence de réseaux urbains bien implantés dans le tissu de la ville, et démontre, si besoin est, que le terrorisme n'a pas à faire appel à des desperados de l'ancienne épopée des groupes armés pour perpétrer des attentats à Alger. Le repli quasiment efficace et l'«évaporation» des auteurs des attentats, aussitôt leur forfait accompli, renseignent sur une maîtrise quasi certaine de l'aire d'activité. Un attentat pareil implique aussi - au préalable - une équipe de 2x2 pour faire le guet en amont et en aval, dans cette artère très surveillée par les services de sécurité, car jouxtant le Palais du peuple, le Musée du Bardo et l'école des Beaux-Arts. L'attentat d'hier sonne comme un cinglant démenti à ceux qui parlaient d'une cellule de trois terroristes activant encore à Alger, comme il apporte une autre preuve que, réellement, nous nous trouvons en face de nouvelles recrues, au profil de terroristes urbains efficaces, rapides, présentables et «à la page». Cette mutation, que les groupes armés ont apporté à leur stratégie de combat, s'est trouvée, malheureusement, confrontée à un téléscopage des prérogatives des services de sécurité qui, loin de se compléter, se marchent sur les pieds et cafouillent. Ni l'entraînement n'est approprié, ni les mutations dans des secteurs de travail ne sont étudiées, ni la connaissance des quartiers et de l'esprit des «houmate» n'est prise en considération, ni la mobilisation H24 n'est à l'ordre du jour. Conséquence: les jeunes hommes armés tirent, tuent et s'en vont avec une facilité déconcertante. A ce niveau, il faut relever un trait essentiel : même au plus fort des attentats du GIA à Alger, entre 1993 et 1996, les auteurs ne trouvaient pas autant de facilité qu'aujourd'hui. Ils ont tiré dernièrement à Aïn Allah (2 policiers assassinés), à Hassiba Ben Bouali (2 jeunes abattus), à la cité Faïzi (1 policier tué), à la place du 1er-Mai (1 policier blessé) et à la rue Didouche-Mourad (1 policier grièvement touché), «comme à la parade», avant de se volatiliser. Aucun bouclage prompt, aucun maillage rigoureux, aucun accrochage n'ont été notés. Qui du GIA ou du Gspc ont commis l'attentat, cela importe peu. La première organisation est devenue hégémonique à Alger, et elle ne fait pas de cadeaux non plus aux services de l'ordre, bien que la seconde privilégie encore l'assassinat de policiers et de militaires. Dans cette nouvelle guérilla néo-urbaine, qui semble être installée pour longtemps, l'urgence est de trouver la stratégie de lutte adaptée aux nouvelles mutations du terrorisme. Tout autre considération n'est que littérature de salon, alors que nous avons besoin de plan de combat. Au terrain.