Au moins 100 vivent à la périphérie d'Alger et y font des incursions. Il y a près d'une année, le ministre de l'Intérieur avait parlé de l'existence de 700 à 800 éléments actifs appartenant aux groupes islamistes, dont 400 étaient encore armés. Il y a deux jours, le général de corps d'armée, Mohamed Lamari, avait avancé le chiffre de 700 terroristes armés. Entre les deux dates, c'est-à-dire en moins de douze mois, près de 300 terroristes ont été abattus et au moins 100 autres sont morts de maladie dans les maquis ou se sont rendus aux autorités. Pourtant, l'effectif est resté le même, c'est-à-dire terriblement inquiétant. Si une petite cellule d'artificiers a pu mettre Alger à feu et à sang par une série d'attentats à l'explosif, qu'en sera-t-il pour les 700 terroristes disséminés un peu partout dans le pays? En fait, la stratégie de la régénérescence des groupes armés procède d'un argument aussi simple qu'infaillible. Plus que le motif religieux, c'est l'argent qui fait fonction d'agent recruteur. Le taux très élevé de chômage, qui frappe de plein fouet les zones-crise de la périphérie est et sud de la capitale pousse beaucoup de jeunes à verser épisodiquement ou à plein temps dans la violence. Les possibilités de financer de tels réseaux sont immenses, et le GIA ne se prive pas de puiser dans un vivier aussi important. La marginalisation, l'exclusion, l'acculturation, la violence qui naissent à la périphérie d'Alger, la violence qui enveloppe ces zones-crise ont, certes, déjà fait le premier travail. Leur recrutement vient consacrer un désarroi flagrant. Sur les 700 terroristes (le chiffre est approximatif, non réel), au moins 100 vivent à la périphérie d'Alger et y font des incursions, ou y résident occasionnellement. Les derniers attentats (Khraïcia, Eucalyptus, Zéralda et Bou Ismaïl) ne sont pas le fait de deux, quatre ou six terroristes, mais de plusieurs groupes d'entre six et dix. Sauf pour les attentats ciblés, la reconstitution de la scène du crime implique, pour plus d'efficacité dans l'exécution et le repli, un minimum d'exécutants. Il y a aussi un autre élément de régénérescence qui peut se révéler grave, si aucune mesure ne vient l'endiguer. Il s'agit de la multiplication des réseaux urbains. Selon un ex-membre du GIA à Alger, il y a lieu de s'inquiéter réellement, car, dit-il, «quatre éléments attirent quatre autres, pour devenir huit demain, et se multiplier ainsi à l'infini. A fortiori lorsque les attentats sont réussis. L'effet d'entraînement est toujours rapide dans ces cas-là.» Le général de corps d'armée, Mohamed Lamari, a vu juste en déclarant que l'intégrisme continue à fabriquer des terroristes. Et l'intégrisme, dans le contexte qui nous intéresse, est aussi le fait de laisser des zones telles que Larbaâ, Rovigo, Hammam Melouane, Ouled Moussa, Guerouaou, Beni Slimane, Tablat, les Eucalyptus, Baraki, Meftah, Khemis El-Khechna, Saoula, Benzerga, El-Achour, Draria, Bourkika et Attatba livrées à elles-mêmes. Les jeunes qui y vivent promus à des lendemains sans perspective, sans issue et sans espoir. Les diverses organisations terroristes qui sont encore en activité sont présentées un peu partout en Algérie, avec une plus forte concentration dans les wilayas du Centre (Alger, Blida, Tipasa, Boumerdès, Tizi Ouzou, Aïn Defla, Médéa, etc.) et c'est dans ces wilayas, précisément, que le terrorisme sera encore plus pénible à combattre, plus difficile à endiguer, car il trouve sur place de quoi s'alimenter. Ces sept wilayas restent, aussi, d'un autre côté, celles qui assurent la survie des GIA, en leur permettant de puiser dans leurs réserves, de recruter dans «la main-d'oeuvre» locale et de venir s'installer, se cacher ou se ressourcer en leur sein. 700 terroristes, c'est presque hallucinant quand on pense que 19 seulement ont suffi à terroriser les Etats-Unis.