La contestation s'est poursuivie hier sur fond de tension diplomatique grandissante entre le régime en place et les Occidentaux. Un calme précaire règne dans les rues de Téhéran au lendemain d'une septième journée de manifestations pour l'annulation de l'élection présidentielle du 12 juin dernier. Un compte-rendu des derniers événements est difficile à établir en raison des restrictions infligées aux journalistes étrangers. Hier, le correspondant de la BBC a, à son tour, reçu un avis d'expulsion. Téhéran accuse les «agents étrangers», les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, les médias occidentaux et les «terroristes» d'être les vrais responsables des troubles qui secouent l'Iran depuis la réélection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad. Dix personnes auraient été tuées et une centaine blessée lors de heurts entre policiers et manifestants qui se sont étirés tard dans la nuit, rapporte la télévision d'Etat, mais aucune source indépendante ne peut confirmer ce bilan. Elle affirme aussi que la fille de l'ex-président Hachemi Rafsandjani, proche des réformateurs, a été arrêtée avec quatre membres de sa famille pour avoir pris part à une manifestation. Les agences affirment, sur la foi de témoins, que les heurts ont été particulièrement brutaux, samedi, entre la population et les forces de police, auxquelles se mêlaient des membres des milices bassidjis et des éléments non identifiés. Les manifestants auraient été chargés à la matraque, repoussés par des canons à eau et des grenades lacrymogènes. Ils disent aussi avoir subi des tirs à balles réelles. La police affirme de son côté ne pas avoir tiré à balles réelles et accuse plutôt des «voyous» et des «éléments terroristes». Le ministère de l'Intérieur, qui a déclaré tout attroupement illégal, avait déployé des unités anti-émeutes dans différents points de la ville afin de compliquer les tentatives de rassemblement des manifestants. Selon Amnesty International, depuis le début des manifestations, le 13 juin, en excluant ce samedi, dix autres manifestants auraient perdu la vie. Hier, le ministre iranien des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki a critiqué la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne pour leurs déclarations concernant les allégations de fraudes électorales. Il accuse plus précisément Londres d'avoir comploté de longue date pour saboter les élections présidentielles, ce qui a aussitôt été nié. Peu après, Mahmoud Ahmadinejad a demandé aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne de cesser leurs «ingérences» dans les affaires intérieures de la République islamique. Les critiques adressées samedi à l'ayatollah Ali Khamenei par Mir Hossein Moussavi, principal candidat défait de l'élection et symbole de la contestation, ont accentué le caractère dramatique de la crise politique qui s'étire maintenant depuis une semaine. Dans une lettre publiée sur son site Internet, il l'a accusé, sans le nommer, de mettre en danger le caractère républicain de la République islamique en ayant validé la réélection du président Ahmadinejad, qu'il affirme due à une fraude massive. «Nous ne sommes pas contre le système islamique et ses lois, mais contre les mensonges et les dérives. Nous souhaitons sa réforme», fait-il valoir sur son site. Vendredi, l'ayatollah Khamenei était intervenu publiquement pour défendre le scrutin du 12 juin et appeler à la fin des contestations. Aucun personnage politique iranien n'avait osé délivrer une telle critique envers l'ayatollah Khamenei depuis qu'il a pris ses fonctions, en 1989. Le scrutin du 12 juin a vu le président sortant Mahmoud Ahmadinejad obtenir 63% des voix contre 34% pour son plus proche rival, Mir Hossein Moussavi, un résultat dénoncé depuis comme frauduleux par les opposants réformistes au régime.