Le régime des ayatollahs panique, une semaine après le début des manifestations contre la victoire contestée d'Ahmadinejad. Après la répression brutale des manifestants pro-Moussavi, à coups de matraque, de canon à eau et de balles réelles, le guide et ses hommes de main pointent du doigt les capitales occidentales, « coupables » d'avoir télécommandé la révolte. Les autorités ont, en effet, brandi la main de l'étranger pour discréditer la colère populaire qui a suivi un scrutin, pas tout à fait au-dessus de tout soupçon, aux yeux des partisans du candidat malheureux Mir Hossein Moussavi. « Le cri à l'ingérence poussé hier constitue la dernière trouvaille du régime de Téhéran qui, pris de panique, a tué dix personnes au moins et blessé plus d'une centaine samedi dernier lors des manifestations. Ainsi, le ministre des affaires étrangères Manouchehr Mottaki, a accusé formellement Londres de « complot contre l'Iran ». Hier, devant les caméras de la télévision publique, il a déclaré que « des éléments liés aux services secrets britanniques », » avaient afflué en Iran avant l'élection. Mottaki est allé plus loin en soutenant que « La Grande-Bretagne a comploté contre l'élection présidentielle depuis plus de deux ans ». Auparavant, le néo-président Ahmadinejad a lancé les mêmes accusations contre Londres mais également à Washington via son site internet. « Ce n'est pas en tenant des propos hâtifs que vous entrerez dans le cercle des amis de la nation iranienne. » Le président contesté poursuit : « Pour cette raison, je vous demande de cesser vos ingérences. ». Ces accusations, réelles ou supposées, semblent conçues comme une arme de destruction massive de la crédibilité du mouvement de Hossein Moussavi que le régime voudrait présenter comme un pantin de l'Occident. Répression à huis clos Et ce n'est pas fini, le gouvernement iranien a convoqué hier les ambassadeurs et représentants des 27 pays européens en poste à Téhéran, selon le ministre tchèque des Affaires étrangères, Jan Kohout, dont le pays assure la présidence de l'Union européenne. Un coup spectaculaire à travers lequel le régime de Téhéran escompte faire passer la « pilule » du complot et désigner les partisans de Moussavi à la vindicte populaire en les accusant de révisionnistes. Mais, si la rue a été plutôt calme hier, ce n'est pas forcément un signe de la fin d'une révolte citoyenne. Le régime a cadenassé les voies d'accès aux principales rues et a interdit même les petits rassemblements à grand renfort de bassidjis et des bataillons de forces antiémeute. Dans le même temps, les médias étrangers sont priés de plier bagages comme le correspondant permanent de la BBC à Téhéran, Jon Leyne, sommé de quitter le pays sous 24 heures, accusé, comme son pays, d'être partie prenante des émeutes. L'organisation Reporters sans frontières a déclaré hier que trois journalistes iraniens avaient été arrêtés et incarcérés depuis samedi, portant à 33 le nombre de journalistes et cyberdissidents iraniens derrière les barreaux. Hier, au moment où nous mettions sous presse, un journaliste canadien travaillant en Iran pour l'hebdomadaire américain Newsweek, Maziar Bahari, a été arrêté par les autorités iraniennes et son journal n'a pas eu de ses nouvelles. Mais les échos de Londres et Washington par rapport à cette façon de faire ne sont guère rassurants pour Téhéran. « Je rejette catégoriquement l'idée que les manifestants en Iran sont manipulés ou motivés par des pays étrangers », a répliqué hier le secrétaire britannique au Foreign Office, David Miliband. De même, à Washington, la démocrate Dianne Feinstein, qui dirige la commission du renseignement au Sénat, a soutenu que les services de renseignement américains n'avaient que peu de prise sur ce qui se passe en Iran. Leur capacité à « changer le cours des événements est très faible ». De Berlin, la chancelière allemande Angela Merkel a appelé « fermement » Téhéran à procéder à un nouveau décompte du scrutin. A partir de Paris, Bernard Kouchner a une nouvelle fois condamné hier la « répression brutale ». Autant dire que la théorie du complot de l'étranger est balayée par les responsables des grandes puissances. Fragilisé par cette mise à nu, au-delà d'un scrutin qui n'aurait pas pu remettre en cause les fondements de la République des ayatollahs même avec Moussavi à sa tête, le régime iranien chancelle. Jusqu'à quand pourra-t-il tenir ? Brandir la main de l'étranger risque de ne pas suffire aux ayatollahs de convaincre qu'ils sont sur la bonne voie…divine.