«Les autorités ont décidé de maintenir la question des disparitions dans l'opacité.» «Nous allons travailler sur le dossier prioritaire des personnes disparues, un dossier très douloureux qui préoccupe l'opinion nationale, internationale et les familles des disparus», avait déclaré Me Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme au quotidien La Tribune du 24 février 2002. L'avocat avait ajouté : «On ne peut pas mettre des décennies à étudier cette question.» Une sous-commission chargée de ce dossier a été créée au sein de cet organisme officiel qui a remplacé, début 2002, le défunt Observatoire national des droits de l'Homme de Rezzak Bara. En décembre, la même commission s'est engagée à faire aboutir ce dossier. L'organisation de protection des droits humains, Algeria Watch, a publié, en mars 1999, un rapport sur les disparus en Algérie. «La majorité des personnes a ‘‘disparu'' entre 1994 et 1996. C'est à cette période que le régime algérien mène une grande offensive dans le cadre de la ‘‘lutte contre le terrorisme'': des ratissages sont effectués dans les ‘‘quartiers chauds'', les quartiers connus pour leurs sympathies pour le FIS». Presque dix ans sont passés, et rien n'est acquis pour les familles des disparus. «Les autorités ont décidé de maintenir la question des disparitions dans l'opacité, notamment en interdisant le rassemblement du mercredi 3 juillet», informe un communiqué de SOS-Disparus. Chaque mercredi, ces familles organisent un sit-in devant le siège de la commission de Ksentini à Alger. «La proposition de Me Ksentini d'indemniser les familles des disparus n'est que le reflet du refus des pouvoirs publics à faire face à leurs responsabilités», estiment les signataires du communiqué. Dans la même veine des condamnations des atteintes aux droits humains, Me Ali Yahia Abdenour, président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme, Laddh, profondément engagé dans le combat pour rétablir la vérité sur le sort des disparus, a saisi, encore une fois, hier, les plus hautes autorités du pays pour souligner les contraintes dont il est l'objet. Des rassemblements interdits, des militants sous pression et une autorité politique qui tarde à trancher : le dossier des disparus risque de «mettre des décennies» avant de connaître son épilogue. Le 6 avril dernier, le Président de la République, Abdelaziz Bouteflika, «a indiqué à la commission nationale de Farouk Ksentini qu'il attendait un rapport d'étape à l'issue des six premiers mois et un rapport final sanctionnant les travaux de la commission avant le 31 mars 2003, pour permettre sa mise en oeuvre dans le cadre d'un agenda à préparer par le gouvernement à la lumière des recommandations de la commission». Le sort de milliers d'Algériens «disparus» ne sera d'actualité qu'une fois par semaine, le mercredi: des mères rassemblées devant le siège de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme.