Après avoir dissous le Parlement et s'être octroyé les pouvoirs exceptionnels, conformément à la Constitution qui l'y autorise quand le fonctionnement normal de l'Etat est compromis, le président nigérien remanie le gouvernement et dépouille la Cour constitutionnelle de ses prérogatives. En réalité, la disposition constitutionnelle qui lui permet de s'arroger les pleins pouvoirs n'est opérante que dans des conditions de blocage qu'il a lui-même provoquées, en voulant à tout prix changer de Constitution afin de rester au pouvoir, alors que son deuxième mandat prend fin le 22 décembre 2009 et que la loi fondamentale en vigueur depuis 1999 ne l'autorise ni à se représenter ni à prolonger la durée du mandat fixée à cinq ans. Comme nous le soulignions dans ces mêmes colonnes il y a trois jours, le président Tandja vient de confirmer sa volonté d'opérer un passage en force en dépit d'une forte opposition à l'intérieur et la désapprobation unanime de l'extérieur. Huit ministres hostiles à son projet de révision constitutionnelle ont démissionné et ont été remplacés par des courtisans prêts à le suivre dans n'importe quelle folie. Les sept juges de la Cour constitutionnelle qui ont annulé le décret convoquant un référendum pour l'adoption d'une nouvelle Constitution sur mesure ont vu, dans la foulée, leurs activités gelées et leurs prérogatives réduites à néant. Autant dire que la haute juridiction, qui juge de la constitutionnalité des lois et décrets et se prononce sur la régularité des élections et référendums et la conformité de leurs résultats, est dissoute et les sept courageux magistrats qui la composent limogés. Officiellement, la radio publique nigérienne a annoncé, à ce sujet, que le président Mamadou Tandja a suspendu provisoirement les prérogatives constitutionnelles et électorales de la Cour en question. La même radio a diffusé un communiqué du ministre de l'Intérieur du gouvernement remanié, qui précise que le référendum sur l'adoption d'une nouvelle Constitution aura bien lieu le 4 août prochain. Pendant ce temps, et c'est peut-être la seule bonne nouvelle dans l'affaire, les forces armées nigériennes refusent toute intrusion dans le champ politique et réaffirment leur neutralité. “Tenues par le devoir de neutralité et de réserve, les FAN ne sauraient ni être associées à un quelconque débat politique ni être impliquées dans des actions déstabilisatrices”, a déclaré un colonel de l'armée, porte parole du ministère de la Défense. L'attitude de l'armée nigérienne dans cette affaire est néanmoins à nuancer. Si du point de vue des sociétés démocratiques et modernes, elle est tout à fait naturelle, le président Mamadou Tandja, lui, l'interprète sans doute, et à juste raison, comme un feu vert de l'institution militaire à son coup de force constitutionnelle. Parce qu'il y a tout lieu de croire que ce qu'entend le porte-parole de la Défense par “actions déstabilisatrices”, ce sont les manifestations de rue et toutes les initiatives de l'opposition politique et des syndicats, fortement hostiles au projet “démo raticide” du président. Dès lors, le pire est à craindre. L'entêtement de Tandja à mener à bien son projet vaille que vaille d'une part, la détermination de l'opposition politique et d'une opinion publique majoritaire à ne pas se laisser voler un acquis démocratique, d'autre part, constituent des ingrédients suffisants à une conflagration qui pourrait avoir des implications graves, y compris en dehors des frontières du Niger, notamment en Casamance. Rien n'indique, en effet, que l'opposition baissera les bras. Et le président Mamadou Tandja, fort de la neutralité affirmée de l'armée, pourrait parfaitement ordonner aux forces de police de réprimer les mouvements contestataires. La communauté et les instances internationales s'émeuvent et s'inquiètent à ce sujet. À commencer par l'Union africaine. Mais n'est-ce pas le président en exercice de cette même Union africaine, le guide libyen en l'occurrence, qui n'a lui-même jamais été élu, qui est allé prêter main-forte aux putschistes de Mauritanie et qui a déclaré, a qui voulait l'entendre, qu'il était contre le principe de la limitation des mandats pour les chefs d'Etat africains ?