Malgré les déclarations fracassantes des responsables français, Alger refuse de répondre aux provocations de l'Hexagone. No comment sur l'affaire de l'assassinat des moines de Tibhirine! A part le RND qui a réagi promptement dans un communiqué, le reste de la classe politique nationale ainsi que les officiels ont observé un silence radio sur ce sujet brûlant. Alors que la question a fait un grand tapage dans les milieux politiques français, allant jusqu'à interpeller le président Nicolas Sarkozy, les responsables algériens s'abstiennent de tout commentaire. Interrogé sur ce sujet à deux reprises en marge de la clôture de la session parlementaire de printemps, tenue avant-hier, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a évité de se prononcer en affirmant: «C'est la journée parlementaire.» Le secrétaire général de l'instance exécutive du FLN, Abdelaziz Belkhadem, qui est également représentant personnel du président de la République, a lui aussi, refusé de faire la moindre déclaration. Quelques heures auparavant, le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, qui a été approché par des journalistes, lors d'un entretien avec son homologue mexicaine à Djenane El Mithaq, lui aussi n'a pas soufflé mot sur la question. Le ministre de la Justice et garde des Sceaux n'a pas été prolixe sur le sujet, refusant de s'exprimer même sur insistance des journalistes. Interpellé sur cette affaire lors de la présentation du projet de loi sur la cybercriminalité mardi dernier, Tayeb Belaïz a éludé la question, faisant semblant d'ignorer «cette histoire». Malgré les déclarations fracassantes des responsables français, Alger ne veut pas répondre aux provocations de l'Hexagone. La seule réaction enregistrée était celle du président de l'Assemblée populaire nationale. Lors de la clôture de la session de printemps tenue samedi dernier, le président de l'APN, Abdelaziz Ziari, a fait allusion à cette accusation qui cible l'institution militaire. Il a rendu un hommage appuyé à l'Armée nationale populaire et aux forces de sécurité dans leur lutte contre le terrorisme. J'ai voulu insister sur les efforts de l'Armée nationale populaire et des forces de sécurité en ce moment précis, parce qu'il existe ceux que la stabilité de l'Algérie dérange et qui utilisent tous les moyens pour faire revivre les allégations mensongères du «qui tue qui», a-t-il brièvement expliqué. Cette première réaction provenant d'une institution de l'Etat a été précédée par celle du parti du RND. Son porte-parole, Miloud Chorfi, a déclaré mardi dernier que le brusque retour sur la scène française du dossier des moines de Tibhirine est une «nouvelle provocation à l'égard de l'Algérie», laquelle a souffert des affres du terrorisme «dans le silence des uns et la complicité des autres». Le porte-parole du RND s'est dit étonné que l'on «exhume» un tel sujet à un moment où l'on cherche à promouvoir les relations entre les deux pays. Il s'est interrogé si ces «campagnes tendancieuses» n'avaient pas un rapport avec «l'attachement de l'Algérie à mettre à nu le fait colonial d'hier». Il y a lieu de rappeler que le témoignage du général François Buchwalter, ancien attaché militaire français à Alger à la retraite, qui a indiqué que les sept moines ont été victimes d'une bavure de l'Armée algérienne, a mis en ébullition les états-majors de la France. Répliquant à ces révélations, le président français a été très offensif dans ses propos. «Je lèverai le secret-défense sur tout document que nous demandera la justice...Je vous dis une chose, je veux la vérité. Les relations entre les grands pays, elles s'établissent sur la vérité et non le mensonge», lors d'un point de presse animé à l'issue de sa rencontre avec son homologue brésilien Inacio Lula da Silva. Une déclaration qui a donné du fil à retordre aux médias français pour monter tout un scénario. Voulant rectifier le tir, le patron de l'Elysée a adopté un autre ton. «Pourquoi voulez-vous qu'avec le président algérien, nos relations s'en trouvent bouleversées. La justice est saisie, que la justice dise la vérité, moi je m'en tiens quand même au communiqué numéro 44 du GIA en 1996 revendiquant l'assassinat des moines. Je n'ai accusé personne, je veux que la vérité soit faite», a-t-il répondu sur cette affaire en marge du sommet du G8, en Italie.