Au-delà de leur coopération pétrolière et gazière séculaire, Alger et Washington sont engagés dans un véritable partenariat stratégique. Jusqu'aux terribles attentats du 11 septembre 2001, la politique algérienne des Etats-Unis était ambiguë. Mais, cela ne voulait pas dire que Washington n'accordait pas une place importante à l'Algérie dans la conception de sa stratégie mondiale, sinon régionale. En effet, dès la chute du mur de Berlin et la disparition du bloc communiste, les stratèges américains ont, dans la définition des grandes lignes de leur nouvelle conception géopolitique du monde, donné à l'Algérie une attention particulière. Déjà, sous l'Administration Clinton, et même si des hésitations et des flottements ont été enregistrés dans la politique étrangère US quant à l'évolution politique de la scène algérienne sérieusement menacée alors par le terrorisme, l'Algérie a été classée avec deux autres Etats africains comme des «Etats pivots», c'est-à-dire des pays sur lesquels devait peser et s'articuler toute l'influence américaine en Afrique, au Maghreb, voire dans le monde arabe. Cette notion implique que les Etats-Unis, devant faire face aux risques d'influence et d'incohérences vis-à-vis du monde en développement, doivent se concentrer sur des «Etats pivots», dont la stabilité est primordiale pour la sécurité mondiale. Autrement dit, cette option stratégique américaine découlant directement de l'après-guerre du Golfe contre l'Irak consiste à ceinturer les pays pétroliers du Sud et à créer des Etats relais ou « pivots » pour la sauvegarde des intérêts américains dans le monde. Si dès 1977, une commission avait été constituée au Département d'Etat, chargée d'évaluer le déploiement américain dans l'espace maghrébin et méditerranéen, la conceptualisation de l'intérêt géopolitique envers l'Algérie débute effectivement en mars 1997, lorsque le secrétaire d'Etat adjoint, Martin Indik a clairement admis à Alger que les Etats-Unis ne cachaient pas leur volonté de concurrencer l'Europe, la France en particulier, et de renforcer la coopération privilégiée avec Alger. En contrepartie, l'ouverture politique et économique de l'Algérie aidant, Washington, sous l'Administration George Bush, essaye de mettre en pratique ses principaux postulats stratégiques, en ouvrant les vannes de sa coopération tous azimuts avec l'Algérie. Soutien politique aux projets de réformes engagées par le Président Abdelaziz Bouteflika, échanges d'informations sécuritaires notamment celles relatives au terrorisme, multiplications des visites diplomatiques de personnalités importantes entre les deux pays, levée des restrictions concernant certaines ventes d'armes à l'Algérie, diversifications des investissements américains hors des traditionnels contrats pétroliers et gaziers, sont les ingrédients d'un double réalisme dans lequel chaque partie tente de trouver son compte. Ainsi, si les Etats-Unis cherchent hors de leur territoire d'abord la protection de leurs intérêts géostratégiques, une sécurisation et une diversification de leurs approvisionnements énergétiques, et actuellement, le maximum d'informations relatives au terrorisme international, l'Algérie cherche, avant tout la sécurité intérieure et la stabilité politique, sociale et économique pour pouvoir amorcer son décollage et intégrer la mondialisation des rapports économiques internationaux sans beaucoup de dégâts. Car, faut-il le mentionner, la mondialisation des échanges commerciaux a placé les pays du Maghreb au centre d'enjeux stratégiques considérables et suscité compétitions et rivalités entre grandes puissances pour des parts de marché dans cette région du monde. Si l'Algérie post-bipolaire s'insère aujourd'hui dans la mouvance américaine, c'est aussi pour ne pas rester en tête-à-tête avec l'Europe. Elle protège également de la sorte son autonomie stratégique en jouant sur la compétition entre Washington et Bruxelles.