Alberto Contador a mis dans la cible pour s'installer aux commandes du Tour de France sans que son avance lui offre une complète garantie avant les deux prochaines étapes alpestres. Dans le Valais suisse, où la course s'est accordée lundi une respiration ensoleillée, les adversaires de l'Espagnol ont fait leurs comptes. Ils ont reconnu la supériorité du vainqueur du Tour 2007, auteur d'un récital dans la montée de Verbier, tout en soulignant que les écarts restent limités. Douze coureurs sont encore à portée, à moins de quatre minutes. Même si deux des plus proches, l'Américain Lance Armstrong (2e) et l'Allemand Andreas Klöden (4e), sont deux coéquipiers du maillot jaune, en théorie deux alliés pour lui. Armstrong a fait acte d'allégeance, dimanche, à sept jours de l'arrivée du Tour. Il a annoncé se mettre au service de son cadet de 12 ans, reconnu comme étant le meilleur coureur de sa génération. L'Américain peut-il faire autrement, au vu de ses limites actuelles en montagne? Andy Schleck a dressé le constat dans son implacable sécheresse: «Frank et moi, on est plus forts qu'Armstrong pour le moment en montagne.» En plus des deux frères luxembourgeois et de Contador, quatre autres coureurs (Nibali, Wiggins, Sastre, Evans) ont terminé devant le Texan, qui n'a dû son salut qu'à Klöden. L'Allemand excelle décidément dans son rôle de Saint-Bernard pour ex-vainqueur du Tour. Avant de secourir Armstrong, il avait déjà accompli le même travail pour Jan Ullrich, l'ancien grand rival de l'Américain. Que doit redouter Contador? Pour le Madrilène, le fauteuil de leader dans lequel il a pris place dimanche est plutôt confortable. «Je savais que l'arrivée à Verbier serait un jour-clé de ce Tour», a reconnu le maillot jaune. «J'avais évalué les écarts que je pourrais faire et finalement j'ai pris plus de temps que ce que j'avais imaginé». Dans la liste de ses adversaires, l'Espagnol privilégie logiquement Andy Schleck, le seul à avoir concédé moins d'une minute (43 sec) dans les 6 derniers kilomètres de l'ascension valaisanne. Mais il souligne la proximité d'autres coureurs encore susceptibles de se replacer. «Il y a plusieurs coureurs dangereux pas très loin de moi», estime Contador sans citer de noms. «Le plus fort actuellement, c'est Andy Schleck. Mais il y en a d'autres, moins forts que lui et moins bien placés, qui disposent de plus de liberté et qui peuvent me poser des problèmes». Dans ce lot cohabitent des rouleurs, tels le Britannique Bradley Wiggins, pour la première fois à pareille fête, et la révélation allemande Tony Martin, ainsi que des grimpeurs. Frank Schleck pointe à moins de trois minutes et demie, les deux premiers du Tour 2008, l'Espagnol Carlos Sastre et l'Australien Cadel Evans, affichent un débit supplémentaire de quelques poignées de secondes. Pour Contador, le premier danger s'appelle Contador, à moins d'une trahison d'Armstrong qui apparaît toutefois peu crédible. Nul n'est à l'abri d'un accès de faiblesse, comme il en a connu dans l'avant-dernière étape de Paris-Nice (fringale) en mars. A plus forte raison quand deux semaines crispantes au sein d'une équipe dominée par Armstrong ont pu l'user nerveusement. Où ses adversaires peuvent-ils attaquer? Il ne reste plus que quatre étapes en ligne, en plus du contre-la-montre d'Annecy, avant le défilé du dernier jour sur les Champs-Elysées. Autant dire que le choix est mince, sachant que les possibilités sont limitées dans l'étape ardéchoise de vendredi. «Le plus dur est devant nous», affirme Bjarne Riis, le manager de la formation Saxo Bank qui représente la principale force d'opposition. «On n'a rien vu encore». Riis, dont l'équipe a gagné le Tour 2008 avec Sastre, évoque les deux prochaines journées avec l'ascension de plusieurs cols. D'abord les deux Saint-Bernard (grand et petit) vers Bourg-Saint-Maurice, ensuite le Cormet de Roselend, les Saisies, Romme et la Colombière sur la route du Grand-Bornand. Ainsi que le Ventoux, en apothéose, samedi prochain. «Il reste des montagnes très dures. Contador était plus fort dimanche, il a lâché tout le monde. Mais s'il a un jour faible...», estime Riis. Avec Frank Schleck, qui est apparu très frais lors de la journée de repos, sa formation dispose d'un éclaireur idéal pour faire travailler les Astana et ouvrir la route à une attaque du cadet des Luxembourgeois. «Qui ne risque rien n'a rien», rappelle Riis comme une évidence. Les chiffres, toutefois, sont durs. Si Andy Schleck affiche un retard de 2 min 26 sec, il doit être augmenté d'un supplément dû au «chrono» d'Annecy (40,5 km). Son montant? Riis hésite: «Une minute. C'est le dernier chrono.»