Les Kurdes d'Irak se rendent aujourd'hui aux urnes pour élire le président et le Parlement de leur région autonome. Après trois décennies de domination incontestée de deux grands partis kurdes, des candidats appelant à de profondes réformes tentent de proposer une alternative à l'UPK et au PDK, lors des élections qui se dérouleront aujourd'hui dans le nord de l'Irak. La campagne électorale a été d'une rare vivacité avec un vrai débat sur l'avenir des institutions kurdes, contrôlées par le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de l'actuel président kurde Massoud Barzani et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) du président irakien Jalal Talabani. Les Kurdes d'Irak se rendent aux urnes pour élire le président et le Parlement de leur région autonome. Une des listes les plus actives a été «Goran», le «Changement» en kurde, qui a effectué mercredi soir son dernier grand rassemblement de campagne avec plus de 6000 personnes à Souleimaniyeh. Brandissant des drapeaux bleus, frappés d'une bougie au centre, ses partisans sont venus clamer leur demande de réformes. Ce qui équivaut à une mini-révolution culturelle au Kurdistan. Noucherwan Moustapha, un riche entrepreneur et ancien numéro deux de l'UPK, est la tête de liste. Avec plusieurs autres transfuges de son ancien parti, ils rêvent à voix haute de bouleverser le consensus politique. «Nous allons remporter une majorité qui va nous permettre de former un gouvernement», lance enthousiaste le candidat. «Et si nous perdons, nous serons quand même vainqueurs car nous aurons changé la manière de faire de la politique dans la région», ajoute-t-il. Sa liste compte sur les votes protestataires, surtout ceux des jeunes Kurdes qui ont grandi dans une région stable, plus riche et plus occidentalisée que celle de leurs parents. «Nous pensons que la société kurde, après une stabilisation politique, a besoin de réformes économiques, sociales et culturelles. La direction (de l'UPK) n'a pas voulu changer et c'est pourquoi nous nous tournons aujourd'hui vers notre peuple et les urnes», explique le candidat. «Nous bénéficions d'un réel soutien populaire. Nous n'avons pas acheté la loyauté des gens en distribuant de l'argent», martèle-t-il. Un des chevaux de bataille de la liste est la lutte contre la corruption, devenue un sujet de préoccupation dans la rue et les médias. «Je n'ai rien à faire de qui va gagner. Tout ce qui m'importe est que les vainqueurs en finissent avec le clientélisme et la corruption dans les institutions gouvernementales», peste Hakim Amar, 53 ans, un habitant d'Erbil, la capitale du Kurdistan. Plus timoré, Farouk Majid, un autre habitant d'Erbil, explique: «On ne peut pas dire que le gouvernement ou les deux principaux partis n'ont rien fait mais ils doivent offrir plus». «Nous sommes une province riche en pétrole. Nous devrions avoir accès à des services similaires à ceux des pays du Golfe. Nous voulons des responsables au service des citoyens», réclame-t-il. S'il est impossible de juger de l'éventuel score de la liste en raison de l'absence de sondages indépendants, la liste «Goran» a d'ores et déjà réussi à s'imposer comme une force contestataire. «On ne peut pas prédire si les petits partis menacent réellement l'UPK et le PDK. Ils ne vont pas transformer le visage de la politique régionale kurde en un jour mais ils vont peut-être rappeler à la liste de l'UPK et du PDK qu'elle peut être remplacée», résume un diplomate occidental. Preuve de la menace, l'UPK et le PDK, qui ont senti le vent du changement, ont placé sur leur liste commune ´´Kurdistania´´ de nouveaux venus en politique pour la plupart par souci de présenter une image de renouveau. L'actuel gouvernement, dirigé par Nechirvan Barzani, neveu de Massoud Barzani et membre du PDK, vient quant à lui de lancer une opération «transparence» pour lutter contre la corruption dans l'administration.