Classé meilleur bachelier à la prison d'El Harrach, Mourad Kara, originaire de Tizi Ouzou, s'est distingué pour la 5e fois en autant d'années d'incarcération. Vivre en dehors des murs des geôles, le rêve est permis pour Mourad Kara et tant d'autres détenus ayant brillamment décroché leur Bac en milieu carcéral et ont prouvé qu'«à coeur vaillant, rien d'impossible». Issu du village Aït Arif, relevant de la commune de Thirmithine (Tizi Ouzou), le jeune Kabyle a défié toutes les difficultés pour hisser très haut l'étendard du savoir et de l'instruction. Ce challenge lui a permis de se classer meilleur bachelier au niveau de l'établissement pénitentiaire d'El Harrach(14/20) et de décrocher son...5e Bac. Une distinction bien méritée. Le moment de joie, celui de recevoir le prix des mains de Tayeb Belaïz, ministre de la Justice garde des Sceaux, se perpétue. Mourad en est bien conscient. Le visage souriant et les yeux interrogateurs, le bachelier, armé d'une volonté de fer, compte effacer les moments tristes qu'ils l'ont conduit au pénitencier, chose inimaginable par le passé. Condamné à huit ans de prison ferme, il en a purgé cinq. Il lui en reste trois à passer dans l'établissement pénitentiaire d'El Harrach. Inscrit en droit des affaires à la faculté de Ben Aknoun, Mourad veut s'inscrire cette année en interprétariat et traduction. Lui le polyglotte, compte approfondir ses connaissances dans cette spécialité qui lui permet de traduire certains textes écrits en tamazight, sa langue maternelle. Approché après la remise du prix, le trentenaire affiche sa satisfaction. «Comment voulez-vous que je ne le sois pas. Il ne me reste pas beaucoup de temps dans le milieu carcéral. J'ai hâte d'être définitivement libre pour pouvoir commencer de nouveau ma vie. Les études représentent pour moi un aspect important auquel je tiens comme à la prunelle de mes yeux.» Mourad est content. Il est également optimiste. Sa maman, prise entre la joie de voir son fils réussir d'excellentes prouesses intellectuelles et l'attente de le voir libre «comme un oiseau», cherche les mots de circonstance. «Dieu merci», dit-elle. «Cette réussite prouve que Mourad a été seulement induit en erreur. La prison n'est pas son milieu», poursuit-elle, rassurante. Quant à Razika, l'autre lauréat, calme, réservée, de beaux yeux verts et «enveloppée» dans un voile mauve, sa distinction, fortement saluée, est tout autre. Elle décroche son Bac, le 3e, avec mention passable(10,90). Cependant, ce qui a fait d'elle «une héroïne» réside dans sa soutenance, un Deua (Diplôme d'études universitaires appliquées), dans la spécialité «droit des affaires». «Le courage et la volonté», ont fait de Razika une génie qui a réussi là où les autres «échouent». Elle se dit prête à tout faire pour devenir enseignante en mathématiques, sa matière préférée. Heureuse, contente, cette détenue pense, tout de même, à son avenir. Condamnée à perpétuité, Razika se pose une question tout en espérant que son appel ait un écho au moment opportun: «Après six années passées derrière les barreaux, serai-je libre en bénéficiant de la grâce?» Razika, Mourad...et autres regrettent leurs actes. Ils jurent par tous les saints que ce passage en milieu carcéral sera l'ultime. «Un passage qui nous servira de leçon pour l'avenir», se sont-ils accordés à dire. Agé de 32 ans, B.H(l'anonymat est exigé), originaire de Bab El Oued, prépare son magister au pénitentier d'El Harrach. Il lui reste quatre mois pour bénéficier soit d'une liberté conditionnée ou d'une semi-liberté. Dès sa sortie de prison, il compte finir en apothéose ses études en sciences commerciales, spécialité finances. Ne dit-on pas que le génie, c'est de faire ce qui est impossible au talent?