Au lieu de bien accueillir les voyageurs qui sont leurs clients, ils les provoquent avec arrogance et les insultent. Et la provocation dépasse souvent les limites. Il est grand temps de dire ce qui peut paraître, de prime abord, comme une banalité. Une épreuve banale vécue comme une brutalité par des familles ne disposant pas d'un véhicule et de surcroît «condamnées» à prendre quotidiennement le bus. Cependant, c'est dans cet espace métallique réduit, que ces familles se sentent mal à l'aise. C'est également là que le sang, résultat d'un échange verbal fortuit, a souvent coulé. L'aspect important de notre reportage a trait au comportement des receveurs de bus. Ils se font des fortunes et semble-t-il, sont déterminés à faire la loi. Toutes destinations confondues, les voyageurs endurent le martyre. Ceux qui sont censés les bien accueillir, sont ceux qui les provoquent et les insultent. La provocation dépasse souvent les limites. Des vocables honteux sont entendus chaque jour dans des stations de transport. Qu'ils soient quinquagénaires, voire plus, des femmes accompagnées de leur progéniture...ils n'ont qu'un seul pouvoir: celui de se taire. Ce qu'on n'entend pas de la bouche des aliénés mentaux, on l'entend des receveurs à bout de nerfs à longueur de journée. Vendredi 1er août 2009. Station Aissat Idir à Alger. Comme si un rendez-vous nous a été fixé, un receveur, un jeune adolescent, sans scrupules, s'acharne contre une femme qui lui réclamait de démarrer vers Ben Omar. «On étouffe mon fils. Vous allez nous laisser combien de temps sous cette chaleur suffocante, caniculaire?» Son appel est sans écho. Les aiguilles de la montre indiquent 10 heures précises. D'une gentillesse exemplaire, Saliha insiste. Elle transpire comme tous les voyageurs, elle souffre...et elle attend. Une demi-heure la sépare d'un rendez-vous médical chez un cardiologue à Kouba. Malgré cette supplication, le receveur lui oppose un niet catégorique. «J'ai une urgence», poursuit la dame. «Prenez un taxi ou je ne sais quoi. Moi je travaille pour gagner de l'argent à ma manière», réplique le jeune. Et à son ami de s'amuser: «un argent fou bien entendu». Le bus est plein comme un oeuf. Le «ramasseur d'argent» dicte sa loi et ce n'est qu'après avoir failli en arriver aux mains avec un autre voyageur que le chauffeur de bus décide de démarrer. Une fois au terminus, l'adolescent n'a cessé de gesticuler et de faire entendre à plusieurs familles des mots déshonorants. Voyant ce genre de scènes, l'on se demande qu'attend le ministère des Transports pour agir et sévir rigoureusement. Une heure plus tard, l'on se retrouve à Sahat Echouhadda (place des Martyrs). Rien de reluisant. Enfants, jeunes et même les plus âgés courent dans tous les sens. A grande vitesse. Une rixe entre un receveur de bus assurant la ligne Boumati - El Harrach, a failli tourner au drame. Le pire est évité de justesse. La raison est tout aussi simple. Comme celles de tous les jours. De toutes le minutes. Echanges de mots, le ton monte, et le receveur franchit encore une fois la ligne rouge. L'intervention des sages voulant calmer les deux «ennemis», s'est avérée inutile. Ils sont devenus partie prenante de cette rixe. Ce n'est qu'après l'intervention des agents de la Sûreté nationale que les choses ont commencé à revenir à la normale. Une autre demi-heure s'écoule, et nous voilà à Boumati. Une place de tous les dangers. A l'attente d'un bus menant vers Meftah, beaucoup de choses sont constatées. Des receveurs font momentanément monter des voleurs dans leur bus. «Si tu arrives à chiper un portable à une femme, tu le vends et on partage le butin...», a-t-il lancé, à voix basse, en s'adressant à son «associé de mauvaise fortune.» De tels propos ont attiré notre curiosité. Une première tentative non réussie. Le voleur descend du bus. Et au receveur de lui dire: «Je ne démarre qu'une fois le portable entre nos mains». Un 2e essai échoue mais le 3e a permis à Ahmed de ne pas revenir bredouille. Le portable volé le receveur cherche enfin son chauffeur pour redémarrer vers d'autres proies. L'argent qu'il vient de gagner est sale. Les citoyens ne cessent de se plaindre et leur réclamation ressemble à un cri de détresse. Seront-ils écoutés un jour?