Les heurts meurtriers entre forces de l'ordre et islamistes radicaux dans le Nord du Nigeria la semaine passée ont révélé un peu plus la fragilité du président Umaru Yar'Adua, déjà défié par les rebelles dans le sud pétrolifère. «Les deux crises, dans le delta du Niger et dans le nord islamique, sont autant de défis pour le système de sécurité du régime Yar'Adua», souligne Sebastian Spio-Garbrah d'Eurasia Group, un groupe international de réflexion. Le delta du Niger, importante zone de production de brut, est secoué depuis 2006, par des attaques de groupes armés réclamant un meilleur partage des richesses. Le chef de l'Etat leur a proposé une amnistie en juin et le principal groupe, le Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger (Mend), observe actuellement un cessez-le feu, mais les problèmes dans le Sud, où la population est très pauvre, sont loin d'être résolus. La semaine passée, le nord du Nigeria s'est à son tour embrasé quand la secte islamiste Boko Haram, se réclamant des talibans d'Afghanistan, a défié les forces de l'ordre en attaquant notamment des postes de police. Ces heurts ont fait des centaines de morts en cinq jours. Au troisième jour, Umaru Yar'Adua, lui-même originaire du Nord, a ordonné aux services de sécurité de se mettre en «alerte totale» et de réprimer l'insurrection. Ordre bien reçu par l'armée qui n'a pas fait de quartiers et a notamment tiré au mortier sur des positions de Boko Haram dans son fief de Maiduguri. Alors que des partis d'opposition ont dénoncé la brutalité de la répression. Le chef de l'Etat, pris en tenaille entre les crises du Nord et du Sud, est régulièrement critiqué pour son manque d'efficacité. Selon les analystes, les problèmes du Nigeria, 8e producteur mondial de brut, persisteront tant que la corruption, le chômage et la pauvreté ne seront pas combattus efficacement. Dans le pays le plus peuplé d'Afrique (140 millions d'habitants), les populations pauvres et peu éduquées au nord comme au sud se révèlent des terreaux fertiles pour les courants de pensée radicaux ou le militantisme armé. Pour Sebastian Spio-Garbrah, ces deux crises simultanées soulignent surtout «l'aspect artificiel d'une nation unie que serait le Nigeria», en fait une fédération de 36 Etats à la population répartie à peu près également entre nord musulman et sud chrétien. «Dans le delta du Niger des militants plaident ouvertement pour la sécession et dans le Nord il y a désormais des imams rejetant la modernité qui prêchent une sorte d'idéologie séparatiste», note l'analyste.