Le film Sham Moh de Yuhan Ho a surpris plus d'un festivalier. En Suisse, même l'orage est (presque) ponctuel! L'ondée ne s'abat pas (en paquets) n'importe quand! Non, le timing est respecté, une succession d'éclairs qui dessinent des traits de lumière entre les massifs montagneux qui enserrent Lugano. Deux ou trois grondements de tonnerre, juste le temps d'iriser la nappe aquatique du lac qui revêt sa sombre tunique et le top est donné, pour que la pluie tombe en bourrasques...La ville se vide, la Piazza Grande sur laquelle trône le plus grand écran d'Europe et les milliers de chaises sont aussitôt abandonnés par les cinq mille spectateurs qui ont juste le temps sous la grande halle de suivre le film prévu en plein air. Le changement de programme se fait en un temps record. Sans perturbations majeures, chacun sait ce qu'il a à faire, aussi bien le spectateur que le staff technique. Une seconde copie du film en compétition est de toute façon déjà montée dans la cabine de la salle de «repli», prête à la projection. Et le public est toujours là, fidèle et toujours curieux de découvrir des cinématographies aussi différentes que rares. Tel ce film malais Sham Moh de Yuhan Ho qui a surpris plus d'un festivalier. Aussi intéressant dans sa forme que dans son fond narratif. Son argument est trouvable dans la rubrique des faits-divers de n'importe quel journal dans le monde; il concerne cette catégorie d'individus qui basculent, sans prévenir, dans le meurtre et voient leur vie bouleversée par la même. Ici, c'est Chai, un jeune homme, de vingt-trois ans qui va vivre cette descente aux enfers. Ayant connu par Internet, Yin, lycéenne de quatorze ans, Chai va se voir poursuivi en justice par les parents de la jeune fille le jour où ils trouveront une plaquette de pilules contraceptives dans la chambre de leur progéniture. L'histoire atteindra son «turn point» scénaristique le jour où les corps sans vie de Yin et de sa meilleure amie seront découverts. Chai est automatiquement arrêté pour ce meurtre... Le film montre comment la panique a provoqué la mort accidentelle de Yin et de son amie. Mais cela ne constituera pas l'essentiel de l'histoire. Le cinéaste malais a habilement évité les «couloirs» (bien distincts) du film noir, mais aussi du polar ou du thriller, qui obéissent à des codes bien définis tant au cinéma que dans la littérature. Il s'est attardé sur le contexte psychosociologique qui régit la société malaisienne. «Je voulais faire sens des comportements des personnes impliquées: comment des décisions prises pour le bien des deux jeunes les avaient conduits à la catastrophe. (...) Ce fut une sorte d'exercice anthropologique. Sham Moh n'est pas un thriller, mais décrit les éléments qui ont provoqué ce crime», confie le réalisateur qui aura permis à la Malaisie de participer pour la première fois à la Compétition internationale et d'être en très bonne position pour accrocher à son tableau de chasse, le Léopard d'Or...Trophée convoité par dix-huit films. Cela dit, les bonnes surprises ne relèvent pas de cette seule section, dans la catégorie «Cinéastes du Présent», une ravissante comédie musicale sénégalaise, a donné la banane à tous ceux qui ont vu Transport en commun de la jeune Dyana Gaye, une filleule putative du maître du genre, le regretté Jacques Demy. Tout se passe entre Dakar et Saint-Louis mettant en scène les sept passagers d'un taxi qui vont aussi bien chorégraphier leurs situations et chanter, comme les «soeurs jumelles» des Parapluies de Cherbourg de très belles mélodies écrites par la cinéaste elle-même qui aura réussi avec le budget d'un court métrage à réaliser un long métrage qui aura aussi bien séduit le CNC français que la chaîne franco-allemande Arte et aussi le Festival de Locarno!