L'erreur de Mohammed VI risque de lui coûter très cher. Quelle mouche a bien pu piquer le souverain chérifien pour le pousser, le jour même de ses noces, à occuper militairement un îlot sans la moindre valeur et sur lequel l'Espagne a des visées particulièrement appuyées? Ce qui ne devait être qu'un vulgaire incident sans grande conséquence est, en fin de compte, en train de prendre des proportions fort dommageables pour le Maroc. La position de la Ligue arabe en faveur du Maroc n'a eu aucune influence sur les événements, car il y a longtemps déjà que les Arabes, Proche-Orient oblige, ne pèsent plus sur la balance diplomatique comme ils le faisaient jadis. L'Espagne, en revanche, semble jouer sur du velours. Déjà, elle a commencé à déployer sa flotte aux abords immédiats de cet îlot, laissant clairement entendre qu'un conflit militaire peut être envisageable. Le coup de grâce est tombé hier via la Commission européenne. Réunis à Bruxelles, les membres de la commission de l'UE ont unanimement dénoncé le Maroc, estimant que l'île Persil est une partie intégrante du territoire européen et que des sanctions, dont la nature n'est pas encore définie, seront incessamment prises contre le royaume de Mohammed VI. L'idée que le Maroc doive se servir de cet îlot, loin d'être stratégique, pour lutter contre le terrorisme et le trafic de drogue, n'a finalement convaincu personne. Le même jour, c'est-à-dire hier, le royaume chérifien a entamé une humiliante marche arrière. Après avoir clairement signifié que ses troupes resteraient stationnées dans l'îlot Leïla, son ministre des AE, répondant à une saisine officielle de l'Espagne, donnait une réponse où transparaissaient la «repentance» et le besoin de se sortir à bon compte de ce mauvais pas. Le Maroc, dont la diplomatie vient de prendre un sérieux coup, voit là d'autres conséquences sur ses affaires, lui qui avait pris une sérieuse avance sur les autres pays membres de l'UMA dans ses négociations avec l'UE et qui se proposait de jouer le rôle de locomotive et d'interlocuteur privilégié pour tous les Etats du nord de l'Afrique. Cette fausse manoeuvre visait, à en croire des analystes bien au fait des affaires internes marocaines, à détourner son opinion nationale de ses problèmes tels que la détresse sociale, l'injustice sociale et les scandales financiers et criminels qui tendent à remonter à la surface depuis peu. Le Maroc a, toutefois, mal calculé son coup puisqu'il est le grand perdant de ce bras de fer dans lequel il n'avait aucune chance de gagner. D'autres conséquences sont encore à attendre. Notamment par rapport à la question du Sahara occidental. L'action du Maroc, en effet, a dû le rendre plus antipathique encore aux yeux de l'opinion internationale qui souhaite en finir définitivement avec les problèmes de colonisation hérités du siècle dernier. Idem pour l'UMA où les blocages systématiquement dressés par le royaume de Mohammed VI seront bientôt dénoncés sur la place publique, attendu que l'UE, de même que toutes les puissances planétaires, ont besoin, désormais, de traiter avec des groupes d'Etats comme cela aurait dû être le cas pour le Maghreb arabe depuis belle lurette. Mais, comme dit l'adage, «à quelque chose malheur est bon». Le retour en force de l'Algérie sur le devant de la scène diplomatique fera d'elle le leader incontesté du nord de l'Afrique. Le Maroc devra se faire à ces nouvelles réalités. Point de salut pour lui hors de l'UMA...