Par ses actions imprévisibles et immatures, Mohammed VI a rompu le deal établi par son père avec les islamistes marocains. Le démantèlement du réseau d'Al-Qaîda au Maroc, en mai dernier, a révélé au grand jour l'existence d'un courant islamiste au sein de ce puissant royaume. Désormais, le pôle de l'intégrisme a passé la frontière algérienne pour s'établir à l'intérieur du Maroc plaçant, de ce fait, le royaume au bord du précipice. Au-delà de la misère sociale et du chômage qui sévissent au Maroc, il s'agit là d'une conséquence somme toute logique. Depuis le début du terrorisme en Algérie, le royaume a constitué une base arrière pour les islamistes du GIA et autres groupes fondamentalistes semant la mort de l'autre côté de la frontière est du Maroc. De son vivant, le roi Hassan II n'a pas sous-estimé l'islamisme, mais il a composé avec lui, en lui permettant une certaine «liberté» d'expression. Le PJD (Parti de la justice et du développement), un parti islamiste modéré conduit par Abdelkrim Khatib, est représenté au Parlement marocain. L'influente association islamiste Al Adl wal Ihsane (justice et bienfaisance), dirigée par le cheikh Abdessalam Yassine, était également tolérée, mais non reconnue. Cependant, ce deal entre Hassan II et les islamistes a été rompu par les actions intempestives de Mohammed VI. Ainsi, le courant salafiste, qui préconise le retour aux sources de l'Islam, inspire divers groupes qui commencent à se manifester à la faveur de la situation trouble que le royaume traverse. A ce propos, les observateurs politiques estiment que la récente attaque de l'îlot Leïla par les forces marocaines n'est qu'un jeu de diversion face au péril islamiste qui a déjà pris son «essor» au sein de la société marocaine. Comme tout dictateur qui se respecte, Mohammed VI invente la fable de l'ennemi extérieur. Cela en vaut la peine surtout que les élections législatives sont maintenues au Maroc pour le mois de septembre prochain. Le gouvernement marocain a débord tenté d'éliminer les indépendants qui sont, en réalité, des représentants du mouvement islamiste non reconnu par la loi. Alors que tous les sondages avancent qu'ils allaient rafler la mise, ce qui signifie que les islamistes au Maroc sont en passe de devenir la première force politique du royaume. Le premier coup de des dirigeants marocains a été perdu lors de la proposition d'amendement du code électoral. Devant le tollé soulevé par l'opposition, qui a qualifié l'amendement de «coup d'Etat constitutionnel», Youssoufi et consorts ont dû faire marche arrière. Le second coup de pocker, le plus dangereux, est cette opération de diversion face au péril islamiste. Le retour de flamme ne s'est pas fait attendre, puisque les fondamentalistes marocains récupèrent déjà l'opération pour grossir leurs rangs. Le chef du PJD parle de «l'esprit colonialiste qui persiste chez les Européens», alors que le porte-parole de l'association Adl wal Ihsane déclare que les effets de l'intervention espagnole sur l'îlot Leïla seront plus dommageables du côté marocain. Les laboratoires de l'intégrisme au Maroc entrent en phase de production. Que fera le roi? Est-il capable de mener une guerre à l'algérienne?