«Il ne correspond pas du tout au prototype. Il en faut toujours un. Quand il y en a un ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes.» Ce sont les propos tenus par le ministre français de l'Intérieur à l'endroit d'un jeune militant de son parti, issu de l'immigration, qui souhaitait être pris en photo avec lui. Cela s'est passé lors de l'université d'été de l'UMP, qui s'est tenue le 5 septembre à Seignosse dans les Landes, en présence de Jean-François Copé, président du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Témoin: une vidéo diffusée jeudi 10 septembre par le quotidien Le Monde sur son site. L'affaire a fait l'effet d'une bombe. Elle a fait la «une» des manchettes de l'ensemble de la presse écrite et des journaux télévisés de l'Hexagone. La vidéo a circulé à la vitesse de l'éclair sur Internet. Brice Hortefeux conteste et se défend du contenu raciste de ses propos. «Il n'y a dans ma bouche aucune référence à une origine ethnique, maghrébine ou arabe», a-t-il déclaré sur les ondes de RTL. Dans un communiqué, les services de son département viennent à sa rescousse. «A l'occasion des universités d'été de l'UMP alors qu'il prenait des photos, à la demande d'un jeune militant, des commentaires du public ont porté sur les caractéristiques supposés des habitants de l'Auvergne, région d'origine de Brice Hortefeux.» Et c'est ce moment là qu'aurait choisi le ministre de l'Intérieur pour lancer sa pique. «S'il y en a un ça va. C'est quand il y en a beaucoup que ça pose des problèmes.» Il faisait référence paraît-il aux nombreuses photos qu'il venait de prendre avec la délégation auvergnate, toujours selon le communiqué de son ministère. Cependant, après avoir visionné le document sonore, le doute n'est point permis sur les propos à consonance raciste du ministre de la République française. Alors que le jeune Amin était pris en photo entre Brice Hortefeux et Jean-François Copé, un militant s'écrie «çà, c'est l'intégration!», une voix de femme retentit «C'est notre petit Arabe», puis elle ajoute: «Il est catholique. Il mange du cochon et boit de la bière.» Le ministre enchaîne alors: «Il ne correspond pas du tout au prototype. Il en faut toujours un. Quand il y en a un ça va. C'est quand il y en a beaucoup que cela pose des problèmes.» En la matière, le président du Front national, Jean-Marie Le Pen, n'aurait pas mieux fait. L'Union des étudiants juifs de France s'est déclarée indignée par ces propos «indignes d'un ministre de la République». Il a été question, à de nombreuses reprises, dans la vidéo, des origines du jeune militant de l'UMP. Comme ce fut le cas d'ailleurs en janvier 2009 pour Fadéla Amara..«Une compatriote», avait dit à propos d'elle, Brice Hortefeux, avant de souligner: «Comme ce n'est pas forcément évident, je le précise.» La secrétaire d'Etat à la Ville aurait depuis, passé l'éponge. Solidarité gouvernementale oblige. Quitte à fouler aux pieds ses principes. Les blagues racistes d'Hortefeux ont fini par en excéder plus d'un. L'ex-garde des Sceaux Rachida Dati, actuellement députée européenne, n'a pas hésité à le qualifier, en privé et devant certains ministres qui lui étaient proches, de «gros raciste». Le tollé est général au sein de la classe politique française. A gauche des voix s'élèvent et réclament la tête du ministre de l'Intérieur. Martine Aubry, la première secrétaire du Parti socialiste, s'est déclarée choquée et consternée par ces propos insultants. «A ce niveau, je ne demande pas au ministre de démissionner, mais au président de la République, en tant que garant des valeurs et de l'unité nationale, de le lui demander», a précisé le secrétaire national chargé des services publics du PS, Razzy Hammadi. «La question n'est même pas de savoir s'il faut ou pas qu'il démissionne du gouvernement, mais que fait-il encore au gouvernement à cette heure-ci?», s'est demandé Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste. Quant au Mouvement contre le racisme et l'amitié entre les peuples, il a souligné que «compte tenu du passé de Brice Hortefeux et de sa politique vis-à-vis des immigrés, le Mrap ne doute pas un seul instant de la sincérité de ses propos». A son tour, la porte-parole des Verts a condamné sans appel ces «dérapages» devenus cycliques chez le ministre de l'Intérieur français. «Il ne s'agit rien moins que d'un racisme banal, bête et méchant à la Dupont Lajoie», a fait remarquer Djamila Sonzogni. Il trouve grâce tout naturellement aux yeux de son Premier ministre, François Fillon qui a qualifié l'affaire de campagne de dénigrement «scandaleuse».Le jeune Amin, pour l'instant, ne semble y avoir vu que du feu. «Je suis arabe mais il m'a tout à fait respecté», a-t-il déclaré sur le site du quotidien Le Monde. Trop jeune sans doute pour comprendre que la France coloniale n'est pas encore prête à solder son passé colonial. Quant à la France officielle, elle affiche sournoisement son racisme, à travers la diversité et l'intégration, deux concepts essentiels pour asseoir sa stratégie d'aliénation et d'acculturation qui lui permettent de prolonger la condition de domination de ses anciennes populations colonisées.