En attendant la décision du ministère, le bras de fer persiste. Nettoyer les écuries d'Augias serait-il plus aisé que de procéder à l'apurement de la situation que vit la Société des courses hippiques et des paris mutuels? La position du ministère semble perplexe face à «ce dossier épineux et soumis aux pressions de lobbys» aux dires de certains de ses cadres. Officiellement «ce dossier est pris en charge en collégialité avec tous les partenaires sociaux», déclare le chargé de l'information du département de Rachid Benaïssa. Or, la situation a dégénéré entre le directeur général, M.Hadji et les quelques dizaines de travailleurs de la Société des courses hippiques et des paris mutuels guidés par le syndicat de l'entreprise affilié à l'Union nationale des paysans algériens, Unpa. Ces derniers ont squatté, jeudi dernier, en mi-journée, l'entrée du ministère de l'Agriculture et du Développement rural, dans le but d'interpeller le ministre. Cela avait incité la tutelle à déléguer deux de ses cadres, le directeur des services vétérinaires (DSV) Boughelouf et l'inspecteur général Boualit, à recevoir une partie de ces protestataires et entendre leurs doléances dont la seule et unique revendication s'articule autour du départ de l'actuel directeur de la Société des courses hippiques et des paris mutuels, Schpm, M.Hadji. A la tête de cette entreprise qui compte un peu plus de 740 employés, voici huit mois à peine, il lui est reproché, selon le communiqué du syndicat de l'entreprise, d'entretenir la «gabegie, le népotisme et le clientélisme» résumant ce que ne cesse de répéter le président du syndicat, M.Boucenna. Ce dernier dénonce «la mauvaise gestion du directeur». L'autre partenaire social, l'Ugta, présent aussi au niveau de l'entreprise préfère, quant à lui, observer le wait and see, tout en reprochant au directeur général d'avoir «opté» dans son choix de partenaire social en lui tournant le dos au profit du syndicat de l'Unpa. A son corps défendant, le directeur général de cette société jette la pierre aux éléments du même syndicat Unpa. Il estime, à son tour, que «ces syndicalistes sont des usurpateurs et ne sont pas reconnus par leur propre fédération, d'autant qu'ils sont actuellement en congé». Il relatera la situation dans laquelle il a trouvé cette société à son arrivée. Il affirme que celle-ci était «catastrophique et gérée d'une manière peu orthodoxe: les travailleurs étaient payés en espèces». M.Hadji accusera à son tour le syndicat de l'Unpa disant que «la plupart avaient été licenciés par voie de justice mais réintégrés en dépit de cela, et auraient reçu des sommes d'argent dans le cadre du social avec lequel ces derniers syndicalistes se sont prêtés à un business de moutons, de pétards, des emprunts auprès des propriétaires de chevaux, ce qui est interdit». Le même responsable déplore la situation sociale faite «d'injustice et d'inégalité entre employés», expliquant quelques bizarreries telle qu'«un universitaire est classé à la catégorie 9 pendant que ces syndicalistes, sans bagages, jouissent d'un statut que leur offre leur catégorie 14 ou 20!». Pour ce cadre, «c'est Boucenna et ses compagnons qui coulent la Schpm». Ce que confirme d'une autre façon M.Djamel Oudafel, membre du bureau fédéral du syndicat affilié à l'Unpa. Il enfonce le clou et met au pilori l'équipe de Boucenna. Il est loin d'être conciliant envers son camarade en témoignant qu'«à la suite de plusieurs pétitions et plaintes déposées à l'encontre du président du syndicat de l'entreprise, M. Abdelkader Boucenna, l'activité syndicale de cette équipe est gelée» ajoutant que «beaucoup de conflits et de problèmes ont été créés par ces gens-là» accusant la section syndicale de la direction de régner «en maitre de céan» et ce, jusqu'à ce qu'il soit décrié par ses pairs. Mais au-delà de tout ce crêpage de cheveux, le malaise semble être beaucoup plus profond qu'un simple conflit socioprofessionnel syndicat-employeur. Des enjeux de taille semblent motiver différents protagonistes. Ils sont d'ordre financier s'ils ne le sont pas de repositionnement politique. Cela a fait de cette entreprise d'une instabilité chronique, un électron syndical, follement libre et 740 travailleurs pris en otage sous le regard d'une tutelle qui demeure stoïque. Pourtant, la situation qui prévaut au sein de la Société des courses hippiques et des paris mutuels est loin de laisser indifférent. La valse de directeurs nommés et relevés au bout de quelques mois augure d'un profond malaise. Le mal provient-il d'un cheval rosse, d'un toquard ou simplement d'un piètre jockey? Exsangue, la Schpm ne semble devoir son salut qu'aux banques qu'elle vient de solliciter pour parer au plus pressé, régler les salaires des ouvriers et éviter une situation socio-professionnelle indésirable. Mais, si le mal est profond et les raisons multiples, deux d'entre elles semblent figurer en tête de liste, selon certains proches du dossier. Il s'agit des fruits d'une gestion d'épicier attribuée à une partie du staff dirigeant et aux gens de l'Unpa qu'on accable à tort ou à raison. Mais, qui va donc se soucier d'une société de paris? Le ministre ou l'Unpa? Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts sans que le chargé du département de l'Agriculture ne réagisse. L'Union des paysans ne semble, quant à elle, pas plus s'inquiéter outre mesure. Pourtant, la situation est en crise en dépit du fait que cette entreprise jouissait d'une bonne santé financière. Les meilleurs scores obtenus remontent, selon toute évidence, à la période 2001-2006. A la veille de son départ, l'ex-directeur général de l'entreprise, relevé de ses fonctions, le 4 mars 2006, avait laissé les caisses pleines. Elles contenaient quelque 92 millions de dinars. En 2005, le directeur général de la Schpm a réussi à réaliser 106 millions de dinars de chiffres d'affaires. Trois années plus tard, c'est la dèche. L'entreprise est dans l'incapacité de régler leurs dus aux propriétaires de chevaux et même à faire face aux charges salariales la contraignant à recourir à des prêts bancaires. Mais, où va donc l'argent de cette société des courses hippiques? Selon l'ancienne équipe dirigeante «plus aucune importation pour le renforcement du cheptel équin de l'entreprise n'a été opérée. L'entreprise a, néanmoins, réussi à acquérir des assiettes de terrain à Msila, Laghouat, Djelfa, Barika et Tiaret et qu'elle a payées et amorties, réussissant même la création de quelque 250 postes d'emploi». L'ancien directeur général qui vient d'être jugé coupable de négligence par le tribunal d'El Harrach et condamné par la cour d'Alger à dix-huit mois de prison avec sursis assortis du payement des préjudices causés, pointe un doigt accusateur vers l'Union nationale des paysans algériens, l'Unpa et soutient que «le projet de l'informatisation du réseau de la société qui a été entamé, est en partie la cause de cette cabale». Selon cet économiste qui ne cesse d'adresser depuis le mois d'avril passé, correspondance sur correspondance au ministre de l'Agriculture, «le dossier est clair: j'ai été victime d'une machiavélique machination, ce sont les gens de l'Unpa». Ce projet en question consiste en l'informatisation, dès 2006, du réseau PMU algérien. Le coût de ce projet a été estimé à onze milliards de centimes par une société française, PMC, qui en a reçu une avance de 15%. «Il aurait permis d'éviter tout trafic ou autres indélicatesses financières», soutient-on.