Plusieurs étudiants, de classes sociales ou professionnelles avantagées, avaient bénéficié par le passé d'une bourse d'études à l'étranger de manière frauduleuse. Dorénavant, seuls les trois premiers lauréats du baccalauréat bénéficieront d'une bourse à l'étranger. La décision a été rendue publique, samedi, par le Président de la République, lors de la cérémonie organisée en l'honneur des 51 élèves lauréats du Bac. «A compter de l'année prochaine, a affirmé M.Bouteflika, l'Etat ne sera plus en mesure d'octroyer des bourses à l'étranger, hormis aux trois premiers lauréats du baccalauréat». En évoquant les raisons de cette décision, il ajoute qu'«il est inadmissible que l'étudiant obtienne une bourse d'études à l'étranger pour ne plus revenir en Algérie qui aura dépensé des sommes colossales pour son éducation». Cette déclaration a remis sur le tapis l'épineux dossier relatif à la fuite des cerveaux algériens. En dépit de l'absence de chiffres officiels sur la communauté intellectuelle algérienne à l'étranger, il est aisé de constater que plusieurs milliers de chercheurs algériens ont opté depuis les trois dernières décennies pour l'exil. La majorité a bel et bien suivi son cursus à l'étranger grâce à l'argent du Trésor public. Mais voilà que ce qui devait être un simple transit à l'étranger s'étale en un long séjour avec une durée indéterminée. Ce constat nous amène à poser les questions suivantes: doit-on ou non reprocher à ladite communauté son «choix» pour l'exil? S'agit-il d'un choix ou d'une alternative? La réponse semble très complexe. Elle exige de nous une réflexion sur ce qu'a été la situation politique et socio-économique du pays durant plusieurs décennies. Ce flash-back nous conduit à nous interroger sur ce qu'a fait le pays pour encourager nos intellectuels à acheter le billet de retour? «Certainement peu de choses», nous dira ce médecin cardiologue exerçant dans un hôpital à Paris. Ce dernier est parmi les bacheliers ayant bénéficié, depuis une vingtaine d'années, d'une bourse d'études en France. Il motive sa décision ainsi: «Ailleurs, on estime le chercheur à sa juste valeur, mais, dans notre pays, on le met en quarantaine.» Avec de meilleures conditions professionnelles et des rémunérations très encourageantes, ce cardiologue n'a pas trop réfléchi - comme c'est le cas d'ailleurs de beaucoup de ses confrères - sur la question, «la France a été la meilleure alternative par rapport à ce qu'on m'avait proposé en Algérie». Par ailleurs, face à une bureaucratie administrative, nombreux sont les chercheurs dont le projet a été refusé ou les études bloquées. Ce qui les a obligés à reprendre le chemin de l'exil. Dans une récente déclaration donnée à notre journal, l'ex-ministre délégué chargé de la Communauté nationale à l'étranger, M.Ziari, avait évoqué «un projet portant l'intégration des chercheurs algériens résidant à l'étranger dans les différents projets scientifiques en Algérie». Une manière de réconcilier les intellectuels avec leur pays? Le contraire serait pourtant plus vrai pour certains. Commentant la décision du Président de la République, un ex-ministre de l'Enseignement contacté par nos soins, a estimé que le moment est venu de revoir nos politiques de valorisation dans le système éducatif: «Partir ne doit jamais être une récompense, rester si», estime-t-il. Le meilleur serait, selon lui, d'améliorer les moyens matériels et humains et d'introduire de nouvelles spécialités. Un pas a été déjà franchi dans ce sens sachant que 95% des filières, (soit plus de 200 spécialités) existantes à travers le monde sont enseignées en Algérie. Notre interlocuteur insiste sur l'opportunité d'axer cette mission sur le suivi des étudiants à l'étranger. Une mission qui échoit normalement à la commission nationale constituée entre autres, du département de l'enseignement supérieur et des Affaires étrangères. Cette mission avec pour objectif «d'éviter les dépassements dans l'attribution des bourses». Ce qui n'a pourtant pas stoppé les abus dans ce sens, sachant que plusieurs étudiants appartenant à une classe sociale ou professionnelle avantagée dans ce pays avaient bénéficié de bourses à l'étranger, «volant» ainsi ce billet destiné initialement aux meilleurs lauréats du Bac. Au niveau du ministère de l'Enseignement supérieur, on persiste à demeurer «confidentiel» sur le nombre de bourses d'études octroyées à l'étranger. Pourtant, les choses semblent théoriquement claires, dans la mesure où le profil intellectuel des bénéficiaires est clairement défini par la réglementation. Les mesures prises par le Président, contribueront-elles à contrecarrer l'attribution frauduleuse des bourses d'études à l'étranger?