Les Journées cinématographiques d'Alger se poursuivent à Riad El Feth avec une programmation de films plus ou moins intéressante. Après la rencontre du lundi matin portant sur «la situation du documentaire dans le monde arabe», la salle Cosmos a abrité dans l'après-midi trois films, l'un un peu soporifique, le second fantaisiste, un peu naïf et le troisième plus costaud, un long métrage haut en couleur sur la vie en Afghanistan. Saisissant. Via, via circulez, est un documentaire de Dorine Brun (France/ Italie) portant sur les «parkingeurs» en plein Palerme. Ces hommes, vieux pour la plupart, que la réalisatrice a préféré filmer, car des jeunes, il y en a des tas comme eux, souligne-t-on, sont assimilés à des racketteurs de petit pizzo. Ce dernier est le racket exercé par la mafia sur les entreprises siciliennes et les commerçants. Petits chefs de leur place, ils exercent sur la population un pouvoir qui repose sur la peur, et ce pouvoir est intimement lié à la mafia. Le documentaire s'ingénue à démontrer le contraire via des hommes qui prennent ou parfois n'ont que ce que les autres veulent bien leur donner. Des hommes misérables en fait, qui n'ont rien à avoir avec la mafia et qui essayent de gagner leur vie honnêtement. Un sujet universel vu que ces gens existent partout, a fortiori dans chaque coin de nos quartiers. Le second film projeté est L'invitation au mariage de la Française Hélène Chauvin. L'histoire de Ravi, un indien immigré en France qui se voit contraint de retourner en Inde après avoir accepté d'épouser la fille que la famille lui a choisi comme épouse. Autant il démontre le choc des cultures, autant ce film se veut révélateur de bien des traditions séculaires bien ancrées dans «la peau» des gens. On n'échappe pas très longtemps à ses origines et l'appel de sa culture est là pour en témoigner. Ravi, qui est un ami à la réalisatrice, sensible à son dilemme, abdique pour faire plaisir à sa famille, qui le surveille de près. Petite caméra en poche, Hélène Chauvin part avec lui en Inde et y reste un mois et demi sur invitation de son ami. Le film pénètre au coeur de la cellule familiale indienne, interroge le garçon, la future mariée, la cousine, la grand-mère, etc. et filme le grand jour où le couple est mis sur son trente et un avec plusieurs rituels autour. Un kitch oriental mais original propre à cette culture. Le film a le mérite de témoigner des paradoxes culturels et des contraintes qui peuvent découler de certaines traditions obsolètes. Mais la sagesse indienne est plus que désarmante. Une véritable philosophie de vie. Difficile d'y aller contre. Un bon moment de détente entre musique, henné et danse. Divertissant à souhait. Moins drôle est le film de Barlak Akram. L'enfant de Kaboul (1h37 mn) décrit la vie des Afghans après le départ des taliban et la pauvreté extrême dans laquelle est réduite une bonne partie de la population qui continue à s'éclairer à l'aide d'un quinquet. Un chauffeur de taxi, Khaled, marié à une veuve avec 4 filles, embarque une femme dans sa voiture sans savoir qu'elle lui a laissé à l'arrière, un bébé. Et c'est la quête pour retrouver cette fille qui a abandonné son enfant. Un road-movie dans ce pays hostile où le temps semble figé et où les femmes, dénonce-t-on dans le film, n'ont aucun droit. La caméra suit ce chauffeur de taxi durant trois jours. L'orphelinat dans lequel va se rendre Khaled, ne veut pas de ce bébé. L'état délabré de cette infrastructure témoigne de la décrépitude du pays et la déliquescence de son administration. Il fera connaissance de deux représentants d'une ONG qui proposent de donner 100 euros à la fille qui reviendra récupérer son enfant. La fille a 16 ans. Seul signe distinctif pour la reconnaître, un grain de beauté sur la cheville. En effet, toutes le filles là-bas se ressemblent car elles portent toutes un chadri. Ce voile qui emprisonne la femme dans un silence et ghetto mortifères. L'enfant de Kaboul est une touchante histoire ouvrant une brèche d'espoir dans ce drame des hommes mutilés, meurtris par les sempiternelles guerres - la Russie et les taliban - et craignant comme la peste l'Amérique. Un film miroir sur le «mouroir» de l'être humain...