Une fois de plus, la Kabylie a répondu présent à l'appel de la Cadc. Les villes et villages de la région ont respecté la grève décrétée jeudi dernier, prouvant, si besoin est, la grande mobilisation des populations derrière les revendications du mouvement citoyen. Azazga, Bouzeguène, Iferhounène, Aïn El-Hammam, Larbaâ Nath Irathen, Beni Yenni, Boghni ou Draâ El Mizan ont baissé rideau. Hormis Draâ Ben-Khedda où certains commerces et cafés ont ouvert, les villes et villages de Kabylie ont massivement suivi le mot d'ordre de la Cadc. Depuis les régions de l'intérieur de la wilaya, il était difficile de rallier Tizi Ouzou, à moins d'emprunter les véhicules réquisitionnés par le mouvement pour transporter vers la ville du Col des genêts les manifestants. Dans les chefs-lieux de daïra et les gros bourgs, seules les pharmacies et les boulangeries ont assuré une permanence. Jusqu'aux déplacements vers les plages de Tigzirt et d'Azeffoun et aux mariages qui ont été... reportés à des «moments meilleurs». Les populations angoissées suivaient de très près ce qui se passait à Tizi Ouzou. Les plus chanceux, ceux qui ont le téléphone, touchaient qui un parent, qui un ami, pour avoir des nouvelles de ce qui se passait dans la ville des Genêts. Les nouvelles qui parvenaient n'étaient guère rassurantes. Les émeutes ont éclaté un peu partout, à travers Tizi Ouzou. La rumeur enfle et l'angoisse devient insupportable. Bien des familles ont vu qui un fils, qui un frère et souvent même, un père rallier Tizi Ouzou, où une «manifestation pacifique» devait avoir lieu. Dans les villages les plus reculés, les plus âgés, assis sur les dalles de la djemaâ, se taisent et écoutent les rumeurs qui montent depuis la ville. De temps en temps, un vieillard rompt le silence pour pester contre ces temps nouveaux. En fait, ce n'est que l'angoisse qui se fait de plus en plus lourde. Vers 14h, les premiers manifestants reviennent de Tizi Ouzou. Echevelés, brisés de fatigue, hâves et affamés, ils se mettent à raconter dans le détail les émeutes, l'empêchement de la marche par la police. Les gaz lacrymogènes et même les balles en caoutchouc. Les personnes âgées, comme ne pouvant plus supporter ces mots décrivant les maux, se lèvent et sans mot dire...préfèrent rentrer à la maison. Restés seuls, les jeunes laissent éclater leur colère...Tout le monde ne fait que parler de la déclaration de la Cadc, parue dans la soirée même, déclaration, où la commission, après avoir salué «la grande mobilisation citoyenne qui a prévalu lors de ce 25 juillet» et enregistré avec satisfaction l'adhésion des citoyens à la grève et à la marche populaire, souligne: «Une marche réprimée par le pouvoir criminel!» Revenant sur l'offre de dialogue du Chef du gouvernement, la déclaration de la Cadc estime qu'il s'agit de «tromperie et de supercherie». Plus acerbe, la Cadc note: «....En affichant, soi-disant, sa disponibilité au règlement définitif de la crise de Kabylie, (le pouvoir : ndlr) vient de récidiver, après avoir décidé du maintien des otages en prison, en déployant toutes les forces de répression sur l'espace de la wilaya de Tizi Ouzou» pour contrer une «marche pacifique...». La Cadc croit voir dans «cet étalage de la force» la confirmation des «velléités dissimulées dans l'appel (du gouvernement) à la reddition et à la capitulation du mouvement citoyen». Puis la déclaration de revenir sur «l'empêchement de la manifestation pacifique» qui est à l'origine de violents affrontements ayant causé «plusieurs blessés, dont des blessés par balles, des violations de domiciles, des expéditions punitives, le saccage et le pillage de magasins...» Devant cette situation, la Cadc, après avoir réitéré sa disponibilité et sa détermination à continuer le combat, a exigé la libération inconditionnelle et immédiate des détenus d'opinion pris en otage depuis le 25 mars 2002, dénoncé la répression, sous toutes ses formes, interpellé l'opinion nationale et internationale sur les conséquences dramatiques et fâcheuses qui en découleront avec à terme un péril pour la nation, réitéré son soutien agissant et indéfectible aux détenus et à leurs familles et rappelé aux décideurs que l'ultimatum qui a pris effet jeudi pour la libération des détenus expirera le dimanche 28 juillet à minuit. Par ailleurs, on a appris que le collectif des avocats de la défense des détenus pourrait déposer une demande de liberté provisoire dans le courant de la journée d'aujourd'hui. Pour peu que la justice intercède, c'est une autre tournure que prendront les choses!