Le parti au pouvoir depuis plus de 30 ans au Mozambique est le grand favori des élections générales de demain, aidé par les divisions de l'opposition, mais l'abstention risque d'être élevée dans un pays englué dans la pauvreté malgré le retour de la paix en 1992. Près de dix millions d'électeurs, sur 22,4 millions d'habitants, sont appelés aux urnes pour élire les députés provinciaux, nationaux et le chef de l'Etat. Il s'agit du 4e scrutin national depuis l'instauration de la démocratie multipartite en 1994, deux ans après la fin du conflit civil (1976-1992) qui a fait un million de morts et ruiné cette ancienne colonie portugaise. Le Front de libération du Mozambique (Frelimo), qui dirige le pays depuis son indépendance en 1975, devrait l'emporter sans difficulté. Le chef de l'Etat Armando Guebuza, 66 ans, au pouvoir depuis 2004, devrait en conséquence être reconduit pour un second mandat. Historiquement, la Résistance nationale du Mozambique (Renamo) est la principale force d'opposition. Mais cet ancien mouvement rebelle, qui a longtemps bénéficié du soutien des régimes racistes d'Afrique du Sud et de Rhodésie, peine à changer son image. Le parti souffre également du centralisme imposé par son leader, Alfonso Dhlakama, qui se présente pour la 4e fois à la présidentielle bien qu'il ait largement perdu lors du dernier scrutin. Aux dernières élections municipales, la Renamo a essuyé un camouflet en ne décrochant aucune municipalité, même dans ses fiefs supposés du centre du pays. Ses chances sont encore amoindries depuis la création en mars d'un parti dissident, le Mouvement démocratique du Mozambique (MDM), par le maire de la deuxième ville du pays Beira (centre), Daviz Simango. Cet homme populaire, également candidat à la présidentielle, devrait réaliser un score honorable mais ne peut pas espérer briser en quelques mois l'hégémonie du Frelimo, selon les analystes. D'autant que la commission électorale a invalidé les candidats MDM aux législatives dans la plupart des circonscriptions, au motif qu'ils n'avaient pas fourni à temps les documents nécessaires. Faute de concurrents sérieux, «le principal opposant de Guebuza sera l'abstentionnisme», estime Anne Pitcher, spécialiste du Mozambique à l'université américaine du Michigan. «Si la participation n'est que de 36% (comme en 2004), cela sera un verdict négatif pour le bilan de Guebuza à la présidence», ajoute la politologue. L'abstentionnisme est nourri par les désillusions d'une population toujours frappée par une grande pauvreté - 90% des Mozambicains vivent avec moins de deux dollars par jour - malgré le retour de la paix. Depuis 1992, le Mozambique a enregistré une croissance moyenne de 8% mais les retombées se sont concentrées dans quelques mains, notamment parmi les proches du Frelimo, souligne Jose Jaime Macuane de l'Eduardo Mondlane University. Le président Guebuza, surnommé «Monsieur Gue-Business», est l'homme le plus riche du pays, présent aussi bien dans le secteur bancaire et les médias que le bâtiment, la pêche ou encore l'import-export. «Ce schéma d'accumulation des richesses suscite du désenchantement parmi les électeurs» et s'autoalimente en permettant aux élites «de puiser dans les ressources pour renforcer le Frelimo», estime l'analyste.